Pour la France, « reconnaître l’État palestinien », c’est « assurer la sécurité d’Israël ».

Pour la France, « reconnaître l’État palestinien », c’est « assurer la sécurité d’Israël ».

Alors qu’Emmanuel Macron s’apprête à reconnaître l’État de Palestine à la tribune de l’Assemblée générale des Nations unies, Euractiv s’est entretenu avec Ofer Bronchtein, conseiller spécial du président pour le Moyen-Orient.

[EPA/ABIR SULTAN]

PARIS – Alors qu’Emmanuel Macron s’apprête à reconnaître l’État de Palestine à l’Assemblée générale des Nations unies, Euractiv France s’est entretenu avec Ofer Bronchtein, conseiller spécial du président pour le Moyen-Orient. 
Fondateur du Forum international pour la paix, une organisation qui milite pour le rapprochement des peuples israélien et palestinien, il fut aussi conseiller du Premier ministre israélien Yitzhak Rabin, durant les négociations des accords de paix d’Oslo.

Ofer Bronchtein presse Emmanuel Macron à franchir le pas de la reconnaissance depuis 2020. Selon lui, cette décision déclenchera « un petit tsunami diplomatique » qui encouragera d’autres pays à suivre le mouvement. 

Il estime également que la reconnaissance renforcera la sécurité d’Israël, avertissant que son isolement croissant n’est dans l’intérêt ni des citoyens israéliens ni des Juifs du monde entier.

Les Israéliens jugent quant à eux que l’annonce d’Emmanuel Macron n’a fait qu’encourager le Hamas et fragiliser les efforts pour obtenir la libération des otages toujours retenus par le groupe terroriste.
Ce qui suit est une retranscription éditée de l’entretien.

Quelles conséquences pourrait avoir la reconnaissance de l’État de Palestine par la France ?

Elle va créer une dynamique. La France est une grande puissance, membre du Conseil de sécurité des Nations Unies et du G7. Et elle entraine avec elles d’autres pays très importants comme la Grande-Bretagne, le Canada, l’Australie, la Belgique, etc. C’est un petit tsunami diplomatique.

Depuis que je suis conseiller spécial auprès de Macron, je demande au président de reconnaître l’État de Palestine. Cette démarche est essentielle pour assurer la sécurité d’Israël, et sa propre reconnaissance par les États arabes et musulmans. Il faut que cette guerre s’arrête, elle n’a plus de sens.

Le monde entier a été solidaire d’Israël après le 7 octobre 2023. Aujourd’hui le monde entier se retourne contre elle. Cette reconnaissance va nous permettre de sortir du statu quo dans lequel Israéliens et Palestiniens sont depuis 20 ans. Il n’y a pas de solution militaire au conflit, il n’y a que des solutions politiques.

Pourquoi le président Macron a-t-il décidé de reconnaître aujourd’hui l’État de Palestine ? Sa position a-t-elle évolué au fil des années ?

Macron a toujours cru à la solution à deux États, comme tous les présidents français avant lui, de François Mitterrand en passant par Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hollande. Il y a quatre ans, il me disait « on le fera en temps voulu ».

Il aurait été préférable de reconnaître la Palestine avant le 7 octobre. Mais mieux vaut tard que jamais. Macron sait que la guerre va se terminer et qu’il faudra créer une dynamique politique. Et la seule dynamique qui soit possible, c’est la reconnaissance de l’État de Palestine et la reconnaissance d’Israël par les pays arabes et musulmans.

J’ai réussi à le convaincre que s’il y avait eu un État de Palestine avant le 7 octobre, il n’y aurait pas eu de 7 octobre. 
Parce qu’avec la souveraineté vient la responsabilité. 
Malgré toutes ses faiblesses, l’Autorité palestinienne cherche à protéger ses citoyens. Le Hamas est au contraire une organisation terroriste qui pousse les habitants de Gaza à tomber sous les balles israéliennes.

De nombreux États ont assisté avec effroi au 7 octobre, et ils sont solidaires des otages enlevés par la Hamas. Mais beaucoup ont aussi été effrayés par la situation catastrophique qui prévaut aujourd’hui à Gaza. Israël est en train de s’isoler. Et je pense que ce n’est bénéfique ni pour les citoyens israéliens ni pour les Juifs du monde entier.

Vous êtes depuis deux semaines en Israël pour tenter d’expliquer la démarche française. Comment est-elle perçue ?

Très mal. La machine de communication mise en place par le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou cherche à faire croire que la reconnaissance d’un État palestinien va faire monter l’antisémitisme et que cela sera une récompense pour le Hamas. 
C’est bien sûr totalement faux. Le Hamas ne veut pas d’un État palestinien, il veut bâtir un khalifat. 

Il y a donc beaucoup de diabolisation sur la position de la France et sur celle du président Macron. Je suis moi-même menacé de mort.

La France n’est pourtant pas un ennemi d’Israël, même si elle est en désaccord politique avec ses dirigeants. Beaucoup de citoyens israéliens en sont d’ailleurs convaincus. Je suis donc ravi d’avoir organisé l’interview du président Macron diffusée le 18 septembre à la télévision israélienne. 

Parfois, il ne suffit pas d’emprunter des canaux diplomatiques, il faut s’adresser directement aux gens.

Comment mettre fin à la guerre ?

La reconnaissance de l’État de Palestine va accélérer la sortie de crise, car cela va vouloir dire qu’Israël n’est plus simplement en train d’attaquer un territoire au statut non déterminé, mais un État reconnu, comme ce que fait la Russie en Ukraine. 

Si Israël persiste dans sa guerre, les sanctions internationales vont s’amplifier, ce que je souhaite absolument éviter.

J’espère donc que le gouvernement va se rendre compte que cette guerre doit se terminer au plus vite, que cette guerre n’est plus qu’une guerre de vengeance et qu’elle porte préjudice à tout le monde.


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