Quelle est la différence entre une personne éduquée, une personne intelligente et un génie ?

 Quelle est la différence entre une personne éduquée, une personne intelligente et un génie ?

J’ai envie de répondre que cela n’a aucun rapport.

Un génie réel diagnostiqué scientifiquement, c’est très rare.

Daniel Tammet est considéré par les scientifiques comme la pierre de Rosette de la recherche sur l'autisme car il est l’un des très rares autistes à pouvoir expliquer comment son esprit fonctionne.

Une mine d’informations.

[Article initialement publié le 13 septembre 2006 Courrier International]


Quand il m'ouvre la porte de son domicile de Herne Bay, dans le Kent, Daniel Tammet me fixe un peu trop longtemps. Il me semble un peu raide.

"Vous voulez boire quelque chose ?" me demande-t-il d'une voix inexpressive.

Il n'est pas à l'aise, mais se tire fort bien de ces civilités. C'est un soulagement, car Tammet, aujourd'hui âgé de 26 ans, est un autiste savant dont les capacités prodigieuses ne sont pas sans rappeler celles du personnage joué par Dustin Hoffman dans Rain Man. Ils sont une cinquantaine comme lui dans le monde, tous des hommes.

Mais ce qui rend Tammet unique, c'est qu'il est en mesure de décrire le fonctionnement de son esprit. "

« J’ai de la chance, convient-il, parce que la plupart des autres qui ont des capacités exceptionnelles sont aussi gravement handicapés."

Il y a deux ans, Tammet est devenu célèbre pour avoir déclamé le nombre PI jusqu'à 22 514 décimales, avec la même facilité que nous lorsque nous citons 3,142, pendant cinq heures en public.

Mieux encore, il affirme pouvoir le refaire : non seulement sa mémoire est immense, mais elle retient tout.

Dans un documentaire diffusé l'an dernier, il a une nouvelle fois démontré son pouvoir avec les chiffres, cette fois en faisant sauter la banque à Las Vegas alors qu'il n'avait jamais joué au black jack auparavant.

Et il vient de faire une chose encore plus remarquable pour un homme qui ne considère les mots que comme "sa deuxième langue" : il a écrit un livre.

Dans Born on a Blue Day INé un jour bleu, éd. Hodder & Stoughton, Londres], Tammet raconte son enfance, quand les nombres étaient ses seuls amis. Son style est si élégant que l'étrangeté de l'œuvre ne transparaît que lentement : il n'y a pas de dialogues, pas d'humour, pas de retour amusé sur soi-même.

Il attaque son récit sans fioritures, mû par le désir ardent de s'expliquer. Il lui arrive parfois de se noyer dans les détails quand il aborde ses passions, telle la structure du langage. Il est capable de dominer, avec une facilité qui frise l'osmose, ces domaines qui posent problème à la plupart des gens, les maths et la syntaxe (il a maîtrisé l'islandais et le français en une semaine).

Né en 1979, il souffre du syndrome d'Asperger, une forme d'autisme. Mais il a vaincu l'enfermement et l'impossiblité de communiquer.

Daniel Tammet maîtrise douze langues.

Il est l'un des rares savants autistes capable de mettre en mots ses compétences exceptionnelles tout comme ses difficultés au quotidien, tentant de faire avancer les connaissances sur l'autisme et d'expliquer les secrets du cerveau humain.

Surdoué des nombres - il les associe à des couleurs et des formes dans des paysages numériques - et des langues, il fait partie des 50 autistes "savants" recensés dans le monde.

Pourtant, ses talents ont aussi leurs revers.

"Je me perds très facilement, j'ai toujours besoin d'être accompagné, je ne peux pas conduire parce qu'il m'est très difficile de voir quelque chose dans son ensemble", énonce-t-il.

"J'ai aussi des difficultés à me souvenir des visages", une "tâche cognitive très complexe" que chacun effectue sans s'en rendre compte, sourit-il.

Dans un français coloré d'accent britannique, il raconte ses crises d'épilepsie infantiles, sa scolarisation en école ordinaire, son confortable monde intérieur fait de chiffres et de mots. Un univers devenu étriqué quand, à 9 ans, il découvre le sentiment de solitude. Suivront des années d'efforts pour apprendre la socialisation.

"Toute mon enfance, je me suis battu contre les problèmes que j'avais, j'ai voulu être comme les autres", raconte-t-il.

Au fil des pages de son livre de vulgarisation scientifique intitulé "Embrasser le ciel immense" en référence à un poème d'Emily Dickinson, il donne, études scientifiques à l'appui, des clés pour améliorer sa mémoire, apprendre plus facilement les langues ou comprendre l'essence de la créativité, appelant sans cesse chacun à développer ses instincts et son imagination.

En revanche, il a dû lutter pour acquérir des compétences qui semblent évidentes aux autres : la communication, l'empathie, la capacité a avoir une vue d'ensemble sans se perdre dans les détails.

"Mon cerveau décompose tout en éléments concrets et tangibles, explique-t-il. C'est l'intangible que j'ai du mal à comprendre."

Tammet est atteint du syndrome d'Asperger, forme d'autisme manifeste dès la naissance.

Il ne jouait jamais avec d'autres enfants, ni avec des jouets. "Mes jouets, c'étaient les chiffres", dit-il. Pour lui, les chiftres ont des couleurs, des tormes, de la texture, une personnalité. Cette connexion entre des sens sans aucun rapport porte le nom de synesthésie.

Tammet ne sait pas si elle est la cause ou le résultat des crises d'épilepsie dont il a souffert à l'âge de 4 ans, mais la tangibilité des nombres lui permet de voyager dans son esprit à travers le paysage ondulant que constitue le nombre.

« Pour moi, c’est aussi beau que la Joconde »

"Enfant, les limites de la logique étaient l'une des choses avec lesquelles j'ai dû me débattre", glisse-t-il en guise d'explication.

Comme il l'écrit dans son livre, il donne souvent l'impression d'être grossier parce qu'il ne répond généralement pas quand les questions ne sont pas directes et explicites. "Je réponds parce que je sais, d'après le contexte, que vous devez être en train de me poser des questions et que je dois parler", remarque-t-il.

Il possède plusieurs des talents associés à l'autisme: il peut recopier un dessin avec autant de précision que s'il le décalquait et il a construit le plan de son livre sans prendre une seule note.

Mais il est plus encore conscient de tout ce qu'il ne peut pas faire. "Fonder une famille, cuisiner, enseigner sont des capacités fascinantes. 

Le génie ne se limite pas aux maths."

Les capacités des autistes savants sont extrêmement spécifiques. Tammet peut, par exemple, calculer un nombre à n'importe quelle puissance, mais il est nul dans le domaine des racines carrées, où les inconnues sont des lettres, ce qui, à ses yeux, n'a plus aucun sens. Il a également du mal à utiliser un DVD ou à appeler un taxi.

Comme la plupart des autistes, il est hypersensible au bruit, au toucher et aux stimuli visuels. Il lui était impossible de se brosser les dents jusqu'à ce qu'il découvre la brosse à dents électrique, plus rythmique Il ne passera jamais son permis de conduire, il se laisse trop distraire par tout ce qui l'entoure.

Mais l'aspect le plus perturbant de sa condition est la difficulté qu'il éprouve à comprendre les émotions.

Conscient de son homosexualité depuis l'âge de 11 ans, Tammet a pris un risque en acceptant de rencontrer Neil, un programmateur avec qui il correspondait sur Internet.

"Quand je suis tombé amoureux, j'ai compris pour la première fois que l'on pouvait m'aimer. Je n'en avais aucune idée."

Peu à peu, il a élargi la gamme de ses émotions.

Récemment, quand son chat est mort, il a pleuré et compris le chagrin pour la première fois.

Mais il sait qu'il est difficile à vivre car il n'est pas en mesure de saisir ce que ressentent les autres. C'est en rédigeant son livre qu'il a pour la première fois perçu ses parents comme des personnes, mais il ne cesse de découvrir à quel point il est différent des autres.

Il y a quelque temps, il a rencontré Kim Peek, l'autiste savant qui a inspiré Rain Man. L'événement l'a marqué.

Peek est incapable de mener une existence indépendante, mais il peut lire deux pages d'un livre en même temps, chacune avec un œil, et en retenir chaque mot. "Nous avons échangé des faits et des chiffres comme d'autres échanges des ragots, raconte Tammet. Peek parcourt l'Amérique et diffuse le message que la difference n'est pas forcément une mauvaise chose."

Comme Peek, il aimerait pouvoir faire usage de ses talents. Son génie des mathématiques pourrait lui permettre de gagner de l'argent, mais il préférerait aider les scientifiques à comprendre le fonctionnement du cerveau.

"Autrefois, je rêvais d'être comme les autres, conclut-il. Mais ils me disent que j'ai sur eux le même effet que le Pr Stephen Hawking. Que c'est dans la contradiction entre capacités et handicap qu'ils voient l'humanité."


Source principale : Courrier International.




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