L’émouvante histoire d’une mère célibataire racontée par Aïcha Ech-chenna (VIDEO)


Parmi les milliers de cas qu’elle a dû traiter tout au long de son combat en faveur des mères célibataires, Aïcha Ech-chenna a tenu à raconter une histoire qui lui tient à coeur. Invitée de l’émission Daif Al Oula (L’invité Al Oula), la présidente de l’association « Solidarité féminine » a ému l’assistance et même le turbulent animateur, Mohamed Tijini.


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Elle se souvient que durant les années 70, elle a reçu une jeune fille qui ne pouvait plus se présenter chez ses parents à cause de sa grossesse.
Or, il se trouve que le père était un officier de police très autoritaire et craint, même au sein de sa brigade. Mais Aïcha Ech-chenna, accompagnée d’une amie française, a tenu à aller rencontrer ce père et lui dévoiler la vérité. Et comme ce dernier était très absorbé par son travail, il ne s’était même pas douté de l’absence de sa fille.
Après l’avoir rassuré et demandé l’hospitalité à la marocaine, Aïcha Ech-chenna lui a demandé de cacher son arme de service dans un placard et de lui remettre la clé.
Une fois l’atmosphère détendue, elle lui a raconté l’aventure malheureuse de sa fille tombée enceinte après une liaison avec un jeune homme qui lui promettait le mariage.

Une fois devant le fait accompli, celui-ci a préféré s’éclipser et abandonner la jeune fille à son sort. Cette dernière n’a pas voulu effectuer une interruption volontaire de grossesse (IVG) et a presque atteint son terme.
Le père, abasourdi d’abord, a demandé à Aïcha Ech-chenna de contacter le jeune homme pour un arrangement. Ce qui a été fait et le mariage a été prononcé.
Cependant, et par souci de sauvegarder son honneur, le père a exigé que l’acte comporte la mention de virginité de l’épouse.
Le mari n’a pas apprécié cette clause, parce que sa femme était sur le point d’accoucher. Il a décidé de contester cette union devant la justice.
Les juges lui ont donné raison et le mariage a été annulé, bien que la paternité ait été établie et reconnue !

Depuis, Aïcha Ech-chenna a traité des milliers d’autres cas et avait presque oublié cette histoire. Vingt ans après, Aïcha Ech-chenna a revu cette femme qui lui a raconté avoir accouché d’une petite fille qui poursuit désormais des études à la faculté de médecine de Casablanca. Et durant le Salon du livre de 2016, elle a été approchée par une dame, qui s’est présentée comme étant cette jeune fille de mère célibataire et qui a été abandonnée par un père indigne.

Elle était devenue médecin, grâce à l’attention et à l’éducation dont elle a bénéficié de la part d’une brave mère esseulée et lui a témoigné de sa grande gratitude et de son affection.

 Lien de la vidéo : Aicha Ach chenna




Portrait de AICHA ECH-CHENNA.

 La Mère des enfants abandonnés du Maroc

07/04/2017

Notre équipe est fière de vous présenter Sarah Zouak, fondatrice du projet de terrain de W4 le Women SenseTour, qui promeut le travail de femmes entrepreneures dans les pays musulmans et aide à lutter contre les stéréotypes qui entourent ces femmes. Sarah nous fait le récit de sa rencontre avec Aicha Ech-Chenna, créatrice de l’association Solidarité Féminine au Maroc, qui travaille auprès des mères célibataires marocaines.

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« Au Maroc, les mères célibataires sont une population parmi les plus marginalisées de la société.
Ces mères élèvent seules leurs enfants.
Ces mères représentent pour certains la honte de la famille, de la ville ou, plus globalement, de la société marocaine.
Ces mères, rejetées pour la plupart par leurs proches, vivent dans des conditions parfois très précaires.
Ces mères sont d’ailleurs, encore aujourd’hui, assimilées à des prostituées.
Or, ce que la société ne semble pas voir ou ne veut pas voir, c’est que ces mères sont avant tout des femmes !
Des femmes qui se battent tous les jours pour apporter à leurs enfants une vie digne et heureuse.
Des femmes qui doivent affronter au quotidien le regard méfiant d’une société encore très conservatrice.
Des femmes courageuses qui luttent pour vivre dans un logement décent et trouver un travail leur permettant de subvenir aux besoins de leur famille. 
Des femmes qui portent sur leurs épaules l’unique responsabilité de cette situation quand l’homme peut tranquillement continuer à mener le cours de sa vie.
Certaines de ces femmes ont eu la chance de rencontrer sur leur chemin une structure leur venant en aide.
Solidarité Féminine est ainsi la première association au Maroc et dans le monde arabo-musulman créée dans le but de prévenir l’abandon des enfants nés hors mariage et de soutenir leur mère sur un plan global. »

Rencontre avec Aicha Ech-Chenna, Présidente et Fondatrice de l’association Solidarité Féminine, à Casablanca

Un engagement de longue date

Après 55 ans d’engagement en faveur des droits des femmes et des enfants, Aicha Ech-Chenna est sans conteste l’une des figures militantes emblématiques du Maroc. Femme humble et courageuse, elle a pris à bras le corps un problème qui était resté, jusque là, tabou dans la société marocaine.

Celle qui est aujourd’hui un véritable modèle pour les femmes marocaines ne se revendique pas féministe mais plutôt humaniste car elle souhaite défendre l’idée d’une société juste et respectueuse au-delà des genres et des frontières.

Orpheline de père dès son plus jeune âge, elle bénéficie de la solidarité de sa famille et de son entourage. Solidarité qu’elle n’a eu de cesse de rendre à la société. Ainsi, dès l’âge de 16 ans, Aicha s’engage dans de nombreuses associations marocaines : l’Association d’Aide aux Lépreux et Tuberculeux, la Ligue de la Protection de l’Enfance ou encore l’Association Marocaine de Planification Familiale. Elle effectue par ailleurs des études d’infirmière et devient animatrice d’éducation sanitaire et sociale.

C’est dans ce contexte qu’elle découvre la réalité insoutenable des enfants nés hors mariage et la détresse des mères célibataires. Au Maroc, dans certains bidonvilles, il existe alors ce qu’elle nomme des « maisons d’enfants abandonnés », des endroits insalubres où certaines mères célibataires très précaires déposent leurs enfants dont la plupart meurent avant l’âge de 4 ans ; les autres sont transférés dans des orphelinats.

Des rencontres décisives à l’origine de la création de l’association

La création de Solidarité Féminine trouve son origine dans une rencontre déterminante qui a marqué profondément Aicha Ech-Chenna. Elle croise le destin d’une jeune femme d’à peine 18 ans, enceinte, non mariée, qui se retrouve jetée à la rue. Sa mère lui ordonne de « vider son ventre » à l’association de Planification Familiale.

Face à cette souffrance, Aicha décide d’aller à la rencontre des parents de la jeune femme pour les raisonner et aider leur fille autrement. Accompagnée par l’assistante sociale Marie Jean Teinturier, Aicha est frappée par les réactions diamétralement opposées des deux parents. Alors que l’accueil de la mère est très dur, le père manifeste une immense émotion. Celui supposé être violent, du fait de l’annonce de la grossesse de sa fille non mariée, la prend dans ses bras et lui témoigne un réel soutien. Un espoir pour Aicha !

Elle nous annonce, ravie, que le nourrisson d’autrefois est aujourd’hui devenu médecin.

D’une révolte nait l’association Solidarité Féminine

En 1981, avec l’assistante sociale Marie Jean Teinturier qui lui a appris les rudiments du métier, elle crée l’association Solidarité Féminine. Elle sait à l’époque que la question des mères célibataires et des enfants abandonnés est un sujet sensible mais, comme elle ose nous l’avouer aujourd’hui, elle était loin d’imaginer l’ampleur du chantier. Malgré l’amour qu’elles portent à leur nourrisson, certaines mères en détresse assimilent leur enfant à la source de leur souffrance. Il faut alors aider la mère à se reconstruire, retrouver l’estime de soi, travailler sur le lien mère-enfant, trouver un logement, une formation et un métier. Les étapes à franchir sont nombreuses et difficiles, c’est pourquoi l’accompagnement de ces femmes se doit d’être global et complet.

Solidarité Féminine s’inscrit dans cette démarche avec plusieurs fronts d’action. Au sein de sa structure, les mères bénéficient d’un programme global sur trois ans. Celui-ci comprend un temps de formation important avec, notamment, des cours d’alphabétisation en arabe et en français, des cours de sensibilisation aux droits civiques et des formations professionnelles à divers métiers tels que la couture, la restauration ou la coiffure.

Ces formations sont accompagnées d’ateliers pratiques et d’une participation à des activités génératrices de revenus au sein même de l’association qui comprend un restaurant solidaire ouvert au public, un hammam et un salon de coiffure dans lesquels les mères célibataires exercent sous le contrôle de formatrices. L’intégralité des revenus est ensuite reversée à l’association. Ce modèle * fonctionne comme une entreprise sociale, viable et pérenne dans le temps. En plus de cela, l’association met plusieurs crèches à disposition des mères pendant qu’elles suivent leur formation. Ce sont ainsi 50 mères célibataires qui bénéficient chaque année de ce programme d’accompagnement complet. Au-delà de son cercle, Solidarité Féminine accompagne les mères célibataires pour toutes les démarches administratives et d’insertion professionnelle nécessaires. Elle dispose aussi d’un centre d’écoute ouvert à toutes les femmes en situation de détresse.

Des enfants encore considérés par la loi comme des « bâtards » 

La réforme du Code du Statut Personnel au Maroc, plus communément appelé la Moudawana, a représenté une avancée importante des droits des femmes avec l’augmentation de l’âge légal du mariage, la possibilité pour les femmes de demander le divorce ou encore la coresponsabilité des conjoints dans le cadre légal du mariage. Concernant les droits des mères célibataires, celles-ci peuvent déclarer officiellement leur enfant à l’Etat Civil depuis 2004.

Cependant, certaines lois marocaines portent encore préjudice aux enfants nés hors mariage. Par exemple, l’article 446 de jurisprudence stipule « qu’un  enfant né de la fornication est considéré comme bâtard et doit rester bâtard, même s’il est par la suite reconnu pas son père biologique ».

Aujourd’hui, l’INSAF (Institution Nationale de Solidarité avec les Femmes en détresse) indique que le nombre d’enfants nés en dehors du mariage est estimé à 153 par jour dont 24 en moyenne sont abandonnés.

Un combat salué à l’échelle internationale

Le parcours d’Aicha Ech-Chenna n’a pas été sans embuches. Au Maroc, certains ont dénoncé son engagement pour les mères célibataires revendiquant qu’il s’agissait là d’une caution donnée à la prostitution. L’année 2000 a été l’une des plus dures puisqu’une fatwa a été émise dans certaines mosquées à l’encontre d’Aicha Ech-Chenna ; une souffrance terrible qui lui a tout de même permis de mobiliser les médias et d’obtenir le soutien du Roi  Mohamed VI qui offre alors à l’association 1 million de dirhams.

La détermination et le courage immenses de cette grande dame ont été récompensés à de nombreuses reprises avec, entre beaucoup d’autres, le prix des Droits de l’homme de la République Française (1995), le prix Grand Atlas (1998), la médaille d’honneur reçue par le roi du Maroc Mohamed VI (2000), le prix Elisabeth Norgall (2005) et la consécration, avec le Prix Opus, remis avec un chèque de 1 million de dollars.

En 2013, l’association Solidarité Féminine publie un recueil de témoignages des mères célibataires et de leurs enfants, « A Hautes Voix » (Editions Le Fennec), qui fait suite au premier livre de Aicha Ech-Chenna datant de 1996, « Miséria ».

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