Négociations russo-américaines : Pourquoi se tiennent-elles en Arabie saoudite ?
Publié le mardi 18 février 2025
Ce mardi 18 février au matin, de hauts responsables américains, dont le chef de la diplomatie Marco Rubio, rencontrent leurs homologues russes dans un hôtel de la capitale saoudienne.
Les États-Unis affirment qu'il ne s'agit pas d'une "négociation" sur l'Ukraine, tandis que le président ukrainien sera reçu le lendemain, toujours à Riyad.
Une façon pour l'Arabie saoudite et le prince héritier "MBS" de peser sur la scène mondiale, comme l'analyse pour TF1info le spécialiste du Moyen-Orient David Rigoulet-Roze.
Ukraine : bientôt trois ans de guerre !
Les regards de la communauté internationale sont tournés sur l'Arabie saoudite et sa capitale.
Ce mardi 18 février au matin, au Ritz-Carlton de Riyad, le chef de la diplomatie américaine Marco Rubio, le conseiller à la Sécurité nationale du président américain, Mike Waltz et l'envoyé spécial pour le Moyen-Orient, Steve Witkoff rencontrent le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov et Iouri Ouchakov, le conseiller diplomatique de Vladimir Poutine.
Pour le Kremlin comme pour la Maison Blanche, cette réunion a pour vocation de rétablir des relations bilatérales(nouvelle fenêtre).
Pour le Kremlin comme pour la Maison Blanche, cette réunion a pour vocation de rétablir des relations bilatérales(nouvelle fenêtre).
Et poser les prémices de négociations sur l'Ukraine ?
Non, comme l'assurent les États-Unis, qui voient la réunion comme un suivi de la conversation téléphonique entre Donald Trump et Vladimir Poutine. Dès lendemain, c'est le président ukrainien Volodymyr Zelensky qui sera reçu en Arabie saoudite.

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Le roi Salmane ben Abdelaziz Al Saoud, et surtout son fils héritier Mohammed ben Salmane, se posent comme "intermédiaires" entre la Russie, les États-Unis et l'Ukraine pour affirmer leur rôle sur la scène internationale, comme l'analyse pour TF1Info le spécialiste du Moyen-Orient David Rigoulet-Roze, chercheur associé à l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS).
Pourquoi cette réunion entre hauts responsables américains et russes se tient-elle en Arabie saoudite ?
David Rigoulet-Roze : "MBS" (Mohammed ben Salmane, NDLR) a vocation depuis deux, trois ans à se présenter comme un facilitateur de négociations, pour favoriser la résolution de certains conflits.
Les Européens ont-ils un rôle à jouer ?
Ils n’ont malheureusement pas vraiment voix au chapitre. Ils apparaissent à certains égards comme des spectateurs d’un processus en cours qui leur échappe. Même s’ils réclament un "siège" dans les négociations qui s’ouvrent sur l’Ukraine, ils sont réduits à une forme d’impuissance relative, comme on l’a vu à l’occasion lors de la Conférence sur la sécurité à Munich.
On assiste incontestablement aujourd’hui à une vaste recomposition de la géopolitique mondiale avec la consolidation de pôles de puissance, mais assez largement sans les Européens.

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Le roi Salmane ben Abdelaziz Al Saoud, et surtout son fils héritier Mohammed ben Salmane, se posent comme "intermédiaires" entre la Russie, les États-Unis et l'Ukraine pour affirmer leur rôle sur la scène internationale, comme l'analyse pour TF1Info le spécialiste du Moyen-Orient David Rigoulet-Roze, chercheur associé à l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS).
Pourquoi cette réunion entre hauts responsables américains et russes se tient-elle en Arabie saoudite ?
David Rigoulet-Roze : "MBS" (Mohammed ben Salmane, NDLR) a vocation depuis deux, trois ans à se présenter comme un facilitateur de négociations, pour favoriser la résolution de certains conflits.
On est désormais loin de la posture pro-active de confrontation régionale - notamment dans sa rivalité géopolitique avec l’Iran et, dans une moindre mesure avec le Qatar - qui fut la sienne jusqu’à la fin des années 2010.
Il entend promouvoir une forme d’apaisement régional et a même l’ambition d’avoir un rôle de médiateur au-delà des limites régionales concernant d’autres conflits comme celui entre la Russie et l’Ukraine.
Il entend promouvoir une forme d’apaisement régional et a même l’ambition d’avoir un rôle de médiateur au-delà des limites régionales concernant d’autres conflits comme celui entre la Russie et l’Ukraine.
De fait, il avait déjà manifesté ses bons offices, fin septembre 2022, en parvenant à faire libérer dix prisonniers de guerre transférés de Russie en Arabie saoudite dans le cadre d’un échange entre Moscou et l’Ukraine de quelque 200 prisonniers favorisé par la médiation saoudienne.
En mai 2023, "MBS" avait accueilli le président ukrainien Volodymyr Zelensky au sommet de la Ligue arabe de Djeddah pour une étape-surprise sur le chemin du G7 au Japon. En août 2023, "MBS" avait encore accueilli une réunion sur l’Ukraine d’une quarantaine de pays – à l’exception de la Russie – pour discuter d’un plan de paix ukrainien.
Et le président Zelensky devait revenir le 27 février prochain pour discuter de la médiation de ce pays dans les échanges de prisonniers de guerre entre Kiev et Moscou et concernant des négociations portant sur la "formule de paix" promue par Kiev.
Cette médiation saoudienne est rendue possible par le fait que "MBS", qui est proche du président Donald Trump depuis le premier mandat de ce dernier, entretient par ailleurs de bonnes relations personnelles avec Vladimir Poutine avec lequel il exerce une forme de condominium au sein de l’accord dit "Opep +" - regroupant les 14 pays de l’OPEP ainsi que 10 autres pays producteurs dont la Russie, par ailleurs sous sanctions occidentales - dont l’objectif déclaré est de maîtriser l’évolution des prix du brut.
De la realpolitik au sens strict du terme. David Rigoulet-Roze
Quels peuvent-être les intérêts de Riyad à faire l'intermédiaire entre les États-Unis, la Russie et l'Ukraine ?
C'est déjà en soi l’expression d’une politique d’influence ayant des ambitions mondiales, alors même que Riyad entend simultanément diversifier et multiplier ses partenaires internationaux. "MBS" n’entend pas être maintenu dans une relation exclusive de dépendance stratégique vis-à-vis de son principal allié que sont les États-Unis, même si ce sont ces derniers qui assurent en dernier ressort la sécurité du royaume. D’où les relations en apparence paradoxales avec la Russie de Vladimir Poutine dans le domaine énergétique des hydrocarbures.
C’est de la "realpolitik" au sens strict du terme. Mohammed ben Salmane est dans une logique transactionnelle personnalisée, comme Donald Trump et Vladimir Poutine. Dans le cas de la guerre en Ukraine, il offre ainsi un hub de négociations qui présente l'intérêt d’extraire les protagonistes du théâtre européen, permettant une mise à distance.
Cela permet en tout cas à l’Arabie saoudite de se présenter comme un acteur géopolitique d’envergure mondiale en tant que membre du G20 et des BRICS depuis janvier 2024 et, accessoirement, de revenir sur le devant de la scène après son "ostracisation" due au meurtre du journaliste Jamal Khashoggi le 2 octobre 2018 au consulat d’Istanbul qui avait paru disqualifier pour longtemps sa gouvernance.
Cette médiation saoudienne est rendue possible par le fait que "MBS", qui est proche du président Donald Trump depuis le premier mandat de ce dernier, entretient par ailleurs de bonnes relations personnelles avec Vladimir Poutine avec lequel il exerce une forme de condominium au sein de l’accord dit "Opep +" - regroupant les 14 pays de l’OPEP ainsi que 10 autres pays producteurs dont la Russie, par ailleurs sous sanctions occidentales - dont l’objectif déclaré est de maîtriser l’évolution des prix du brut.
De la realpolitik au sens strict du terme. David Rigoulet-Roze
Quels peuvent-être les intérêts de Riyad à faire l'intermédiaire entre les États-Unis, la Russie et l'Ukraine ?
C'est déjà en soi l’expression d’une politique d’influence ayant des ambitions mondiales, alors même que Riyad entend simultanément diversifier et multiplier ses partenaires internationaux. "MBS" n’entend pas être maintenu dans une relation exclusive de dépendance stratégique vis-à-vis de son principal allié que sont les États-Unis, même si ce sont ces derniers qui assurent en dernier ressort la sécurité du royaume. D’où les relations en apparence paradoxales avec la Russie de Vladimir Poutine dans le domaine énergétique des hydrocarbures.
C’est de la "realpolitik" au sens strict du terme. Mohammed ben Salmane est dans une logique transactionnelle personnalisée, comme Donald Trump et Vladimir Poutine. Dans le cas de la guerre en Ukraine, il offre ainsi un hub de négociations qui présente l'intérêt d’extraire les protagonistes du théâtre européen, permettant une mise à distance.
Cela permet en tout cas à l’Arabie saoudite de se présenter comme un acteur géopolitique d’envergure mondiale en tant que membre du G20 et des BRICS depuis janvier 2024 et, accessoirement, de revenir sur le devant de la scène après son "ostracisation" due au meurtre du journaliste Jamal Khashoggi le 2 octobre 2018 au consulat d’Istanbul qui avait paru disqualifier pour longtemps sa gouvernance.
Les Européens ont-ils un rôle à jouer ?
Ils n’ont malheureusement pas vraiment voix au chapitre. Ils apparaissent à certains égards comme des spectateurs d’un processus en cours qui leur échappe. Même s’ils réclament un "siège" dans les négociations qui s’ouvrent sur l’Ukraine, ils sont réduits à une forme d’impuissance relative, comme on l’a vu à l’occasion lors de la Conférence sur la sécurité à Munich.
On assiste incontestablement aujourd’hui à une vaste recomposition de la géopolitique mondiale avec la consolidation de pôles de puissance, mais assez largement sans les Européens.
Le discours dévalorisant du vice-président américain, J.D. Vance, sur la réalité de la situation des Européens pourrait être constitutif d’une forme de dissolution de ce qui pouvait faire figure de "monde occidental" et de l’unité de valeurs qui lui était associé, avec le développement de ce que l’on qualifie désormais de "démocraties illibérales" qui en serait l’un des symptômes.
Les négociations sur l'Ukraine ont-elles une chance d'aboutir ?
Il y aura sans doute un accord, mais la question est de savoir quels en seront les termes et les paramètres ? Dans la configuration actuelle, les maîtres d’œuvre sont manifestement les États-Unis de Donald Trump et la Russie de Vladimir Poutine. L'Europe en général et l’Union européenne en particulier ne semblent avoir d’autre choix que de s’ajuster à la situation qui s’impose à elle.
Il est significatif de considérer l’évolution de la position de Volodymyr Zelensky qui avait tenté de conclure – dans une logique transactionnelle qu’affectionne le président Donald Trump – un "great deal" en octroyant une concession sur les terres rares de son pays pour obtenir une garantie de sécurité américaine élargie.
Or, les déclarations de Pete Hegseth, le nouveau secrétaire à la Défense américain, selon lequel il n’y aura pas de troupes américaines sur le sol de l’Ukraine et que les éventuelles troupes de pays européens membres de l’Otan qui offriraient certaines garanties de sécurité ne bénéficieraient pas de la fameuse clause dite "des mousquetaires" induite par l’article 5 du traité – prévoyant une réponse commune automatique en cas de l’agression d’un de ses membres – dans le cas où elles se retrouveraient exposées militairement, ont douché les espoirs du président ukrainien.
Les négociations sur l'Ukraine ont-elles une chance d'aboutir ?
Il y aura sans doute un accord, mais la question est de savoir quels en seront les termes et les paramètres ? Dans la configuration actuelle, les maîtres d’œuvre sont manifestement les États-Unis de Donald Trump et la Russie de Vladimir Poutine. L'Europe en général et l’Union européenne en particulier ne semblent avoir d’autre choix que de s’ajuster à la situation qui s’impose à elle.
Il est significatif de considérer l’évolution de la position de Volodymyr Zelensky qui avait tenté de conclure – dans une logique transactionnelle qu’affectionne le président Donald Trump – un "great deal" en octroyant une concession sur les terres rares de son pays pour obtenir une garantie de sécurité américaine élargie.
Or, les déclarations de Pete Hegseth, le nouveau secrétaire à la Défense américain, selon lequel il n’y aura pas de troupes américaines sur le sol de l’Ukraine et que les éventuelles troupes de pays européens membres de l’Otan qui offriraient certaines garanties de sécurité ne bénéficieraient pas de la fameuse clause dite "des mousquetaires" induite par l’article 5 du traité – prévoyant une réponse commune automatique en cas de l’agression d’un de ses membres – dans le cas où elles se retrouveraient exposées militairement, ont douché les espoirs du président ukrainien.
C’est ce qui explique qu’il ait finalement annoncé son refus d’offrir ce type de concession aux États-Unis afin de réaffirmer sa souveraineté nationale qui risque de faire les frais du processus de négociation en cours.
Sourxe : TF1info
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