L’Autoroute de l’Électricité : Le Groupe marocain SOMAGEC connecte l’Angola.

L’Autoroute de l’Électricité : Le Groupe marocain SOMAGEC connecte l’Angola.

Interview avec Roger Sahyoun, Président de SOMAGEC.


Roger Sahyoun, Président SOMAGEC

Le 31 janvier 2025, un accord historique a été signé entre SOMAGEC et le RNT de l’Angola à Luanda, marquant un tournant décisif pour le secteur énergétique de l’Angola et de la région. 

D’un montant de 1,3 milliard de dollars US, ce projet vise à interconnecter l’Angola et la République Démocratique du Congo (RDC) par deux lignes électriques de 400 kV, créant ainsi des «autoroutes énergétiques» pour répondre aux besoins croissants en énergie de ces deux nations, mais aussi de la Zambie. Grâce au modèle BOOT, SOMAGEC entend non seulement stimuler le développement énergétique local, mais aussi dynamiser l’économie de ces pays voisins. L’objectif est d’assurer une intégration énergétique optimale et de promouvoir un essor socio-économique durable en Afrique australe et centrale. 
Roger Sahyoun, Président de SOMAGEC, nous expose les enjeux de cette initiative stratégique, qui pourrait propulser l’Angola en tête des leaders énergétiques africains. 


 Entretien. 

“L’objectif de SOMAGEC est de créer des autoroutes énergétiques pour résoudre le déficit énergétique de la région”


Question : Pouvez-vous nous expliquer l’accord signé entre SOMAGEC et le RNT d’Angola, ainsi que ses principales implications pour le secteur énergétique angolais ?

Roger Sahyoun : Tout d’abord, je vous remercie pour l’intérêt porté à cet accord, signé le 31 janvier 2025 à Luanda, capitale de l’Angola, en présence de M. João Baptista Borges, ministre de l’Energie et de l’Eau, et de l’ambassadrice du Maroc en Angola, Mme Saadia El Alaoui. Cet accord fait suite à deux décrets présidentiels autorisant SOMAGEC Energy Holding Ltd. à développer, concevoir, financer, construire et exploiter deux interconnexions électriques de 400 kV entre l’Angola et la République Démocratique du Congo (RDC). Ce projet de 1,3 milliard de dollars US consiste à créer deux grandes autoroutes énergétiques entre l’Angola et la RDC, d’une capacité totale de 2 100 MW, visant à interconnecter ces deux pays au sein de la Southern African Power Pool (SAPP). Ces interconnexions permettront de résoudre une partie du déficit énergétique de la région, tout en renforçant la position de l’Angola comme fournisseur d’énergie pour ses voisins.

Question : L’exportation d’électricité entre l’Angola et la RDC est l’un des projets majeurs de SOMAGEC. 
Pourquoi est-il si important pour la région ?

Roger Sahyoun : L’Afrique est encore confrontée à un grand déficit énergétique, surtout entre le nord et le sud du continent. De nombreux pays africains, dont la RDC, sont freinés dans leur développement par un manque d’énergie. Cette pénurie handicape leur économie, leur système éducatif et leur santé. 
Pourtant, cette région regorge de ressources naturelles, comme le pétrole, le gaz, les minerais et l’hydroélectricité, qui devraient permettre de combler ce déficit. L’Angola, avec sa capacité de production excédentaire d’électricité, a la possibilité d’exporter son surplus énergétique vers la RDC, un pays avec plus de 100 millions d’habitants et un besoin urgent d’énergie pour son développement industriel et social. 
Ce projet vise à répondre rapidement à ces besoins en mettant en place des interconnexions efficaces, évitant ainsi des délais de construction de nouvelles infrastructures locales, qui peuvent prendre des années.

Question : Le concept des «autoroutes de l’électricité» s’inspire-t-il de projets précédents, notamment au Maroc ?

Roger Sahyoun : Vous avez raison de souligner cette similitude. Le projet d’autoroute de l’eau au Maroc, réalisé avec succès sous la vision de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, avait pour but de réduire la fracture hydrique entre le nord et le centre du pays, en transférant l’eau de l’océan Atlantique vers des régions intérieures. 
De manière similaire, l’Angola dispose d’une abondance d’énergie, et nous appliquons une stratégie similaire pour transporter cette énergie vers la RDC, où les besoins sont critiques. 

Le modèle financier est cependant différent : Le projet au Maroc avait un financement EPC (Engineering, Procurement, Construction) avec préfinancement, tandis que pour l’Angola, nous opérons dans un modèle de financement 100% privé. Bien que les modèles diffèrent, les deux projets visent à résoudre des problèmes urgents dans des délais rapides, en étant innovants et créatifs.

Luanda : Signature de l’accord entre le ministère de l’Energie et de l’Eau d’Angola et SOMAGEC.

Question : L’Angola a une capacité de production de 6 500 MW, mais en consomme seulement 2 300 MW. Comment l’excédent énergétique est-il géré et quels sont les défis pour exporter jusqu’à 2 000 MW vers la RDC et la Zambie ?

Roger Sahyoun : L’Angola possède un immense potentiel hydroélectrique avec des ressources comme le fleuve Kwanza et les chutes de Kalandula. Malgré cela, plus de 50% de la population reste sans accès à l’électricité, et le pays souffre d’un manque d’interconnexion entre ses différentes régions. 
Le gouvernement angolais travaille actuellement à renforcer les infrastructures nationales pour améliorer l’électrification intérieure et réduire cette inégalité. L’exportation de l’excédent énergétique vers la RDC et la Zambie présente des défis techniques et logistiques, notamment le choix des technologies de production, la définition des itinéraires des lignes électriques et le respect des normes environnementales. Il est aussi nécessaire de définir le cadre légal et de mobiliser les financements nécessaires à la bancarisation du projet. 

Toutefois, grâce au soutien des deux gouvernements et à la mobilisation des bailleurs de fonds, nous prévoyons de commencer la construction de l’interconnexion du nord de l’Angola en 2025, avec une mise en service en 2028, et celle de l’est en 2026, avec une durée de réalisation estimée à 48 mois.

Question : Quel sera l’impact économique de ce partenariat pour l’Angola, la RDC et la région ?

Roger Sahyoun : Ce partenariat devrait avoir un impact économique considérable sur les trois pays concernés. Pour l’Angola, il représente une opportunité de créer des emplois, de stimuler la croissance économique locale et de générer des revenus grâce à l’exportation d’électricité. L’arrivée de l’électricité dans les zones traversées par les lignes permettra d’améliorer la vie des communautés en termes d’accès à l’éducation, à la santé et à d’autres services de base. En RDC, l’impact sera similaire, avec des bénéfices directs pour l’industrie, l’économie et la qualité de vie des populations. À l’échelle régionale, cela facilitera l’intégration économique et réduira la dépendance aux sources d’énergie non durables. De plus, l’exportation d’électricité permettra aux états d’obtenir des revenus fiscaux importants, notamment sous forme de taxes et de ventes d’énergie, ainsi que des recettes en devises.

Le gouvernement angolais travaille actuellement à renforcer les infrastructures nationales pour améliorer l’électrification intérieure et réduire cette inégalité. L’exportation de l’excédent énergétique vers la RDC et la Zambie présente des défis techniques et logistiques, notamment le choix des technologies de production, la définition des itinéraires des lignes électriques et le respect des normes environnementales.

Question : Quel rôle joue SOMAGEC dans le développement énergétique de la région, notamment en Angola, qui ambitionne de devenir un leader énergétique ?

Roger Sahyoun : SOMAGEC est déjà un acteur important dans le secteur énergétique de la région SAPP. Nous avons investi dans la société En Power, qui traite de l’importation et du commerce d’électricité en RDC et en Zambie, et nous avons mis en place plusieurs projets d’interconnexion pour améliorer la circulation de l’énergie dans la région. L’Angola, avec son potentiel hydroélectrique et ses investissements dans les infrastructures énergétiques, est bien placé pour devenir un leader régional. SOMAGEC continuera à soutenir cette ambition en participant à la réalisation de projets stratégiques, comme ceux qui relient l’Angola à la RDC et à la Zambie.

Question : Le modèle BOOT (Build-Own-Operate-Transfer) est central dans ce projet. Pouvez-vous expliquer comment il fonctionne et en quoi il profite à l’Angola ?

Roger Sahyoun : Le modèle BOOT est conçu pour permettre à l’investisseur de financer, construire, exploiter et gérer l’infrastructure avant de la transférer au gouvernement. Cela permet à l’Angola de bénéficier de ces infrastructures sans devoir s’endetter, car le remboursement de la dette se fait via les revenus générés par le projet. Pour l’Angola, l’avantage réside dans le fait que le pays n’assume pas de risque financier initial. 

En même temps, le pays bénéficie d’une amélioration significative de son secteur énergétique, créant des emplois et des revenus fiscaux tout en améliorant l’accès à l’électricité pour sa population.

Question : Quelles infrastructures seront construites dans le cadre de ce partenariat, et comment amélioreront-elles l’intégration énergétique de l’Angola au marché régional ?

Roger Sahyoun : Ce projet implique la construction de plus de 1 100 km de lignes électriques et de sous-stations. Ces infrastructures permettront non seulement d’assurer une meilleure distribution de l’électricité à l’intérieur du pays, mais aussi de relier l’Angola à la RDC et à la Zambie, facilitant ainsi les échanges énergétiques au sein de la SAPP. Cette interconnexion améliorera la stabilité des réseaux électriques dans la région, réduira les déficits énergétiques et stimulera l’intégration économique et énergétique des pays voisins.

Question : SOMAGEC a déjà démontré son expertise en mobilisant des fonds pour des projets d’envergure. Comment cela se passera-t-il pour les projets en Angola et RDC ?

Roger Sahyoun : Bien que le modèle de financement diffère de celui utilisé pour l’autoroute de l’eau au Maroc, où nous avons réussi à mobiliser rapidement des fonds, nous sommes confiants dans notre capacité à mobiliser les ressources nécessaires pour ces projets. Grâce à notre solide réseau de partenaires financiers et à la confiance des bailleurs de fonds, nous avançons bien dans ce processus. Nous prévoyons de commencer la construction de l’interconnexion du nord en 2025 et de celle de l’est en 2026.


Ces infrastructures permettront non seulement d’assurer une meilleure distribution de l’électricité à l’intérieur du pays, mais aussi de relier l’Angola à la RDC et à la Zambie, facilitant ainsi les échanges énergétiques au sein de la SAPP.

Question : SOMAGEC a créé SOMAGEC Energy Holding Ltd. pour les projets énergétiques en Afrique. Quelle sera la contribution de cette filiale dans les projets en Angola et en RDC ?

Roger Sahyoun : SOMAGEC Energy Holding Ltd. est la structure dédiée à la gestion des projets énergétiques du groupe, et elle joue un rôle clé dans la coordination et le développement de projets sur le continent africain. Pour ces projets en Angola et en RDC, cette filiale facilitera l’intégration des différentes parties prenantes, assurera la gestion des financements et des partenariats, et supervisera l’exécution des projets. SOMAGEC Energy Holding Ltd. permettra également de maximiser l’impact local en contribuant à la création d’emplois, à la formation technique, ainsi qu’à l’introduction de nouvelles technologies en Afrique. 

Elle sera aussi responsable de garantir la conformité avec les exigences locales et internationales en matière de développement durable, tout en créant un environnement propice à la croissance des infrastructures énergétiques dans la région.

Pour conclure, quel message souhaitez-vous transmettre concernant l’avenir énergétique de l’Angola et de la région, et le rôle de SOMAGEC dans cette dynamique ?

Roger Sahyoun, Président du Groupe SOMAGEC

Roger Sahyoun : L’avenir énergétique de l’Angola et de la région est extrêmement prometteur. Avec des ressources abondantes, une volonté politique forte et des partenariats stratégiques, l’Angola est en bonne position pour devenir un leader énergétique en Afrique. 

Les projets que nous mettons en place ne se limitent pas à l’amélioration des infrastructures énergétiques, mais visent également à transformer la vie des populations locales, à stimuler l’économie régionale et à renforcer la coopération sud-sud. 

SOMAGEC est déterminé à jouer un rôle central dans cette transition énergétique en apportant son expertise technique, son savoir-faire en matière de gestion de projets et son engagement envers le développement durable. Nous sommes convaincus que ces projets, une fois réalisés, permettront de bâtir une Afrique plus intégrée, plus prospère et plus durable, tout en faisant de l’Angola un modèle pour les autres pays de la région.



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