C’est le coeur vraiment très lourd que j’écris ces lignes. En effet, je viens d’apprendre le décès de Robert Parry survenu la semaine dernière.
Ancien journaliste d’Associated Press, Robert Parry était une grande figure de l’intégrité du journalisme américain, comme le résume très justement sa fiche Wikipédia :
“En 1982, il souligne la manière dont est traité Raymond Bonner du New York Times, qui est diffamé après avoir effectué un reportage sur le massacre d’El Mozote où l’armée salvadorienne a tué plus de 800 civils dans une campagne anti-guérilla, événement qui a profondément gêné le gouvernement américain dans ses efforts pour soutenir le gouvernement salvadorien durant la Guerre civile du Salvador.Il reçoit le Prix George Polk du reportage national en 1984 pour son travail avec Associated Press sur l’Affaire Iran-Contra où il dévoile que la CIA a fourni le manuel d’assassinat Psychological Operations in Guerrilla Warfareaux contras. À la mi-1985, il écrit son premier article sur l’implication d’Oliver North dans cette affaire, et avec Brian Barger il dévoile fin-1985 le scandale des trafics de cocaïne organisés par la CIA et les contras, ce qui encourage le sénateur John Kerry à s’intéresser au dossier Iran-Contra. L’Associated Press refuse de publier cette affaire, et n’assouplit sa position que lorsque son service en langue espagnole en publie accidentellement une traduction. Barger et Parry continuent leurs investigations sur North bien que la plupart des médias refusent de les suivre, publiant finalement un article mi-1986, fondé sur 24 sources. La publication de ce rapport conduit un comité du congrès à interroger North. Après que North ait nié les faits décrits, Barger est mis à la porte d’Associated Press et Robert Parry est empêché de publier de nouveaux articles jusqu’à ce que l’avion d’Eugene Hasenfus (Corporate Air Services HPF821) soit abattu au Nicaragua en octobre 1986. Après avoir découvert que son patron s’entretenait régulièrement avec North, Robert Parry quitte Associated Press en 1987 pour rejoindre Newsweek. À Newsweek, il dévoile l’affaire d’un membre du Conseil de sécurité nationale qui a dissimulé des aspects de l’Affaire Iran-Contra sur ordre de la Maison-Blanche. Sous la pression politique et médiatique, Newsweek est conduit à demander à Parry de se rétracter, en dépit de la solidité de ses sources. Robert Parry refuse et finalement quitte Newsweek en 1990.En novembre 1995, Robert Parry crée ConsortiumNews.com, un magazine en ligne dédié à l’investigation journalistique, le décrivant en 2004 comme « une maison pour les articles importants, bien-documentés qui ne sont pas les bienvenus dans les médias d’information nationaux de l’époque, conduits par les opinions communément admises et obsédés par O.J. Simpson ».”
J’avais l’honneur et le plaisir d’échanger avec lui depuis quelques années ; et il avait sans hésitation accepté que nous traduisions les articles de son site pour ce blog (merci encore à toutes celles et ceux qui participent…). Il était très heureux que la France s’intéresse à ses analyses.
Nous échangions régulièrement au sujet des pressions tendant à diminuer la liberté d’information sur Internet, surtout depuis l’élection de Donald Trump.
Je ne résiste pas à l’envie de partager avec vous ces deux extraits de notre correspondance qui résument très bien sa pensée :
“We have reached a curious point in the history of the news media. For many years, I defended the mainstream media — despite its many faults — because I thought on balance it was doing more to inform the American people than to deceive them. Now, I can’t do that anymore. On key foreign issue, the NYT and WP are filled with disinformation and propaganda. It’s shocking how far they’ve moved from any sense of presenting both sides of a story and how willing they are to accept State Department propaganda. I’m also afraid it’s going to get uglier as these entrenched interests lash out against their loss of credibility and respect.” [Robert Parry, 12/2016]“Nous avons atteint un point curieux dans l’histoire des médias d’information. Pendant de nombreuses années, j’ai défendu les médias grand public – malgré leurs nombreuses fautes – parce que j’estimais que, dans l’ensemble, ils faisaient plus pour informer le peuple américain que pour le tromper. Je ne peux désormais plus le faire. Sur la question clé des affaires étrangères, le New York Times et le Washington Post sont remplis de désinformation et de propagande. Il est choquant de constater à quel point ils se sont éloignés du fait de présenter les deux versions d’une histoire, et à quel point ils sont prêts à accepter la propagande du Département d’État [Ministère des Affaires Étrangères américain]. J’ai aussi peur que cela ne devienne encore plus déplaisant à mesure que ces intérêts bien ancrés s’opposent à leur perte de crédibilité et de respect.” [Robert Parry, 12/2016]“Olivier, If you’re preparing a detailed story about your dilemma — with Le Monde’s explanation of how they put together these absurd lists and how they protect against McCarthyistic overreach — I’d be happy to post it at Consortiumnews. There’s little doubt that the campaign against “fake news” has become a cover to attack serious Web sites that don’t toe the propaganda line on sensitive issues such as Ukraine and Syria. The mainstream outlets, of course, are the classic case of people living in glass houses throwing stones. But they excuse their own factual errors as simply innocent mistakes. However, if anyone else makes a similar mistake, it becomes “fake news.” Then, they take it further, say, if you question the biased JIT report on MH-17, you’re engaging in “fake news” or if you report critically on the dubious claims about sarin gas in Syria, or any other issue where the “group think” is in control. If the mainstream media had these lists in 2003, they’d be putting us on the “fake news” black lists for questioning the certainty about Iraq’s WMD. But the only thing that I can think to do in response is to continue working and doing good journalism, as painful as it can be to become a subject of such Orwellian lists.“Olivier, si tu prépares une histoire détaillée sur ton problème [avec le Décodex] — avec l’explication du Monde sur la façon dont ils ont compilé ces listes absurdes et comment ils se protègent contre l’exagération maccarthyste — je serais heureux de le publier dans Consortiumnews. Il n’y a guère de doute que la campagne contre les “fake news” est devenue une couverture pour attaquer les sites Web sérieux qui ne suivent pas la ligne de propagande sur des sujets sensibles comme l’Ukraine et la Syrie. Les médias mainstream sont bien sûr le cas classique des personnes voyant la paille dans l’œil du voisin sans voir la poutre dans le leur. Mais ils excusent leurs propres erreurs factuelles comme étant de simples erreurs innocentes. Cependant, si quelqu’un d’autre fait une erreur similaire, cela devient une “fake news“. Ensuite, ils vont plus loin, disons que si vous vous interrogez sur le rapport biaisé de l’Équipe d’enquête conjointe sur le MH-17, vous vous livrez à des “fake news” ou si vous faites un reportage critique sur les affirmations douteuses au sujet du gaz sarin en Syrie, ou sur toute autre question contrôlée par la “pensée de groupe”. Si les médias grand public avaient disposé de telles listes [de proscription] en 2003, ils nous auraient mis sur la liste noire des propagateurs de “fake news” pour avoir remis en question la certitude de la présence d’Armes de Destruction Massives en Irak. Mais je pense que la seule chose que nous pouvons faire en réponse, c’est de continuer à travailler et à faire du bon journalisme, aussi douloureux que cela puisse être de figurer sur de telles listes orwelliennes.” [Robert Parry, 02/2017]
Nous essaierons de suivre tes sages paroles et ton exemple, Robert… Nous ne pouvons que te remercier pour tout ce que tu as apporté à ta profession – et donc à nous tous.
Mais le problème de l’époque semble être que si beaucoup de lumières s’éteignent – c’est hélas naturel -, assez peu de nouvelles semblent s’allumer…
L’héritage de Robert Parry et l’avenir de Consortiumnews, par Nat Parry
Robert Parry, rédacteur en chef et éditeur de Consortiumnews.com, est décédé paisiblement samedi soir. Dans cet hommage, son fils Nat Parry décrit l’engagement indéfectible de Robert envers le journalisme indépendant.
C’est avec une grande tristesse que nous informons les lecteurs de Consortiumnews que le rédacteur en chef Robert Parry est décédé. Comme les lecteurs habituels le savent, Robert (ou Bob, comme l’appelaient ses amis et de sa famille) a subi un accident vasculaire cérébral en Décembre, qui – contrairement à sa propre spéculation qu’il aurait pu être provoqué par le stress causé par la couverture de la politique de Washington – était le résultat d’un cancer du pancréas non diagnostiqué avec lequel il vivait sans le savoir depuis quatre ou cinq ans.
Il a malheureusement subi deux autres AVC débilitants ces dernières semaines et, après le dernier, fut transféré aux soins palliatifs mardi. Il est décédé paisiblement samedi soir. Il avait 68 ans.
Ceux d’entre nous qui sont proches de lui tiennent à remercier sincèrement les lecteurs pour les expressions de sympathie et les mots de soutien affichés dans les derniers articles portant sur les problèmes de santé de Bob. Nous lui avons lu plusieurs de ces commentaires à haute voix pendant ses derniers jours pour lui faire savoir combien son travail a été important pour tant de gens et combien ils se souciaient de sa santé.
Je suis sûr que ces gentillesses comptaient beaucoup pour lui. Ils sont aussi très importants pour nous en tant que membres de la famille, car nous savons tous à quel point il était dévoué à la mission du journalisme indépendant et à ce site Web qui publie des articles depuis les premiers jours de l’Internet et qui a été lancé en 1995.
Avec mon père, le travail professionnel a toujours été profondément une affaire personnelle et sa carrière de journaliste était intimement liée à sa vie familiale. Je me souviens des conversations autour de la table de la cuisine de ma petite enfance qui mettaient l’accent sur les guerres soutenues par les États-Unis en Amérique centrale et des plaintes au sujet de la façon dont ses rédacteurs en chef d’Associated Press [où R. Parry travaillait à l’époque – NdT] se montraient trop timides pour publier ses articles qui – aussi bien documentés soient-ils – jetaient une lumière crue sur le gouvernement de Reagan.
L’un de mes premiers souvenirs, en fait, a été celui de mon père sur le point de partir en mission au début des années 1980 dans les zones de guerre du Salvador, du Nicaragua et du Guatemala. Il nous a averti qu’il allait dans un endroit très dangereux et qu’il y avait une possibilité qu’il ne revienne pas.
Je me souviens de lui avoir demandé pourquoi il devait partir, pourquoi il ne pouvait pas rester à la maison avec nous. Il a répondu qu’il était important d’aller dans ces endroits et de dire la vérité sur ce qui s’ y passait. Il a mentionné que des enfants de mon âge étaient tués dans ces guerres et que quelqu’un devait raconter leur histoire. Je me souviens avoir demandé : “Des enfants comme moi ?” Il a répondu : “Oui, des enfants comme toi.”
Bob a été profondément marqué par les guerres sales de l’Amérique centrale dans les années 1980 et, à bien des égards, ces conflits – et l’implication des États-Unis dans ces guerres – ont défini le reste de sa vie et de sa carrière. Avec les histoires sordides qui émergeaient du Nicaragua (grâce en partie à des journalistes comme lui), le Congrès a adopté les amendements Boland de 1982 à 1984, qui limitaient l’aide militaire américaine aux contras qui tentaient de renverser le gouvernement sandiniste par diverses tactiques terroristes.
L’administration Reagan a immédiatement commencé à explorer les moyens de contourner ces restrictions légales, ce qui a conduit à un plan visant à envoyer des livraisons secrètes d’armes au gouvernement révolutionnaire et farouchement antiaméricain de l’Iran et à détourner les profits vers les contras. En 1985, Bob a écrit les premières articles décrivant cette opération, qui a été connue plus tard sous le nom d’affaire Iran-Contra.
Contra-Cocaïne et Surprise d’Octobre
Parallèlement aux expéditions illégales d’armes à destination de l’Iran à cette époque, il y a eu une opération de trafic de cocaïne menée par les contrebandiers nicaraguayens et la volonté de l’administration Reagan et de la CIA de fermer les yeux sur ces activités. Cela, malgré le fait que la cocaïne était en train d’envahir les États-Unis alors que Ronald Reagan proclamait une « guerre contre la drogue » et qu’une épidémie de crack dévastait les communautés à travers le pays.
Bob et son collègue Brian Barger ont été les premiers journalistes à rendre compte de cette affaire à la fin de 1985, qui est devenue le scandale contra-cocain et qui a fait l’objet d’une enquête du Congrès menée par le sénateur John Kerry (D-Mass.) en 1986.
Poursuivant ses recherches sur les pistes relatives à Iran-Contra à fin des années 80, alors que la majeure partie de Washington se désintéressait du scandale, Bob découvrit qu’il y avait plus de choses à raconter que ce que l’on croyait. Il a appris que l’origine des livraisons illégales d’armes à destination de l’Iran remontaient à plus loin que ce que l’on connaissait jusqu’à la campagne présidentielle de 1980.
Cette course électorale entre le président sortant Jimmy Carter et son rival Ronald Reagan était largement dominée par la crise des otages en Iran, où 52 Américains étant détenus à l’ambassade des États-Unis à Téhéran depuis la Révolution iranienne de 1979. La crise iranienne des otages, ainsi que la crise économique, ont imposé la perception d’une Amérique en déclin, alors que l’ancien acteur hollywoodien Ronald Reagan promettait un nouveau départ pour le pays, une restauration de son statut de “cité qui luit au loin sur la colline”.
Les otages furent libérés à Téhéran quelques instants après l’assermentation de Reagan comme président, à Washington le 20 janvier 1981. Malgré les soupçons depuis des années qu’il y avait une sorte de contrepartie entre l’équipe de campagne de Reagan et les Iraniens, ce n’est qu’en 1994, lorsque Bob a découvert une série de documents dans le sous-sol d’un immeuble de bureaux de la Chambre des Représentants, que les preuves sont devenues accablantes que l’équipe de campagne de Reagan avait entravé les efforts de l’administration Carter pour libérer les otages avant l’élection de 1980. Leur libération plus tôt – ce que Carter espérait être sa ’Surprise d’octobre’ – aurait pu lui donner l’élan nécessaire pour remporter l’élection.
Après avoir examiné ces documents et s’être déjà bien renseigné sur cette histoire – ayant déjà parcouru trois continents avant de poursuivre l’enquête pour un documentaire de l’émission Frontlinede la chaîne PBS – Bob était de plus en plus convaincu que la campagne Reagan avait en fait saboté les négociations de Carter autour des otages, peut-être en commettant un acte de trahison dans le but de maintenir 52 citoyens américains en situation d’otages jusqu’ à ce que Reagan remporte l’élection.
Inutile de dire que c’était une histoire peu commode à une époque – au milieu des années 1990 – où les médias nationaux avaient depuis longtemps abandonné les scandales Reagan et étaient obsédés par de nouveaux scandales, principalement liés à la vie sexuelle et aux échecs immobiliers du président Bill Clinton. Washington n’était pas non plus particulièrement intéressée à remettre en question l’héritage de Reagan, qui commençait alors à se transformer en une sorte de mythologie, avec des campagnes pour nommer les édifices et les aéroports du nom de l’ancien président.
Parfois, Bob doutait de ses choix de carrière et des histoires sur lesquelles il enquêtait. Comme il l’a écrit dans Trick or Treason, un livre décrivant son enquête sur le mystère d’Octobre Surprise, cette recherche de la vérité historique pouvait être douloureuse et ingrate.
« Plusieurs fois, écrivit-il, « j’ai regretté d’avoir accepté la mission de Frontline en 1990. Je m’en suis voulu d’avoir risqué mon avenir professionnel dans le journalisme grand public. Après tout, c’est là que se trouvent les emplois décents. J’avais compromis ma capacité de subvenir aux besoins de mes quatre enfants par un sens du devoir désuet, un respect d’un code non écrit qui exige que les journalistes acceptent presque n’importe quelle affectation. »
Néanmoins, Bob a poursuivi ses efforts pour raconter toute l’histoire derrière le scandale Iran-Contraet les origines de l’ère Reagan-Bush, conduisant finalement à deux choses : le fait qu’il soit chassé des médias grand public et le lancement de Consortiumnews.com.
Je me souviens quand il a lancé le site Web, avec mon frère aîné Sam, en 1995. À l’époque, malgré les discussions, nous entendions tous parler de quelque chose qui s’appelait ’l’autoroute de l’information’ et ’le courrier électronique’, je n’avais jamais visité un site Web et je ne savais même pas comment mettre ’en ligne’. Mon père m’a téléphoné à Richmond, où j’étais en deuxième année à Virginia Commonwealth University, et m’a dit que je devrais aller voir ce nouveau ’site Internet’ que Sam et lui venaient de lancer.
Il m’a expliqué par téléphone comment ouvrir un navigateur et m’a expliqué comment taper l’URL, en commençant par ’http’, puis un deux-points et deux barres obliques, puis ’www’, puis ’point’, puis cette longue adresse avec une ou deux barres obliques en avant si je me souviens bien. Ce n’est que des années plus tard que le site a obtenu son propre nom de domaine et une adresse plus simple.
Je me suis rendu au laboratoire d’informatique de l’université et j’ai demandé de l’aide sur la façon d’accéder à Internet, j’ai tapé consciencieusement l’URL et j’ai ouvert ce site Web – le premier que j’aie jamais visité. C’était intéressant, mais un peu difficile à lire sur l’écran d’ordinateur, alors j’ai imprimé des articles pour les relire dans ma chambre.
Je suis rapidement devenu un fan de ’The Consortium’, comme on l’appelait à l’époque, et j’ai continué à lire des articles sur le mystère de la surprise d’octobre alors que Bob et Sam les publiaient sur ce nouvel outil passionnant appelé ’Internet’. Sam a dû apprendre le codage HTML à partir de zéro pour lancer ce service de nouvelles en ligne, appelé ’The Internet’s First Investigative’Zine’. Pour ses efforts, Sam a reçu le premier prix Gary Webb Freedom of the Press Award attribué par le Consortium for Independent Journalism en 2015.
X-Files et Contra-Crack
À un moment donné, Bob a décidé qu’en plus du site Web, où il ne publiait pas seulement des articles originaux, mais aussi les documents qu’il avait découverts dans le sous-sol de l’immeuble de bureaux de la Chambre des Représentants, il allait également s’attaquer à la publication traditionnelle. Il a compilé ’October Surprise X-Files’ dans un livret qu’il a publié à son propre compte en janvier 1996.
Il publiait également un bulletin d’information pour compléter le site Web, sachant qu’à cette époque, il y avait encore beaucoup de gens qui ne savaient pas comment allumer un ordinateur, et encore moins naviguer sur le World Wide Web. Je suis entré à l’Université George Mason dans la banlieue de Washington DC et j’ai commencé à travailler à temps partiel avec mon père et Sam sur le bulletin d’information et le site Web.
Nous avons travaillé ensemble sur le contenu, l’édition et la mise en page avec des graphiques souvent tirés de livres de notre bibliothèque locale. Nous avons constitué une base d’abonnés grâce au réseautage et à l’achat de listes de diffusion auprès de magazines progressistes. Toutes les deux semaines, nous recevions un millier d’exemplaires imprimés de Sir Speedy et passions le vendredi soir à rassembler ces bulletins d’information et à les envoyer à nos abonnés.
Le lancement du site Internet et de la newsletter, puis d’un projet encore plus ambitieux appelé I. F. Magazine, coïncidait avec la publication en 1996 de la série ’Dark Alliance’ de Gary Webb au San Jose Mercury-News. La série d’articles de Webb a rouvert la controverse sur la cocaïne avec un examen détaillé des réseaux de narcotrafiquants au Nicaragua et à Los Angeles qui avaient contribué à propager le crack aux États-Unis.
La communauté afro-américaine, en particulier, s’est indignée à juste titre de cette histoire, qui a confirmé de nombreux soupçons de longue date selon lesquels le gouvernement était complice du commerce de la drogue qui dévastait leurs communautés. Les Afro-Américains ont été touchés de façon profonde et disproportionnée par l’épidémie de crack, tant en ce qui concerne l’impact direct de la drogue que par les lois draconiennes sur les drogues et les peines minimales obligatoires qui sont devenues la norme du gouvernement en matière de « guerre contre la drogue ».
Pendant un moment au cours de l’été 1996, il est apparu que le regain d’intérêt pour l’affaire contra-cocaïnepourrait être l’occasion de revenir sur les crimes et les méfaits de l’ère Reagan-Bush, mais ces espoirs ont été anéantis lorsque les ’grands médias’ ont décidé de récidiver et à ne pas couvrir correctement cette histoire.
Les grands journaux se mobilisent
C’est le Los Angeles Times qui a lancé l’attaque contre Gary Webb et son reportage dans le San Jose Mercury-News, suivi d’articles tout aussi dédaigneux du Washington Post et du New York Times. Ce tir de barrage de la part de ces journaux a finalement poussé Jerry Ceppos, rédacteur en chef du Mercury-News, à dénoncer les reportages de Webb et à proposer un mea culpa pour la publication des articles.
L’assaut mené par ces grands journaux hostiles ne visait pas le fond de la série d’articles de Gary Webb et n’a pas démenti les allégations sous-jacentes de contrebande de cocaïne ni le fait qu’une grande partie de cette cocaïne s’est retrouvée dans les rues américaines sous forme de crack. Au lieu de cela, ils ont semé des doutes en insistant sur certains détails et en présentant l’histoire comme une ’théorie du complot’. Certains reportages ont tenté de démystifier des affirmations que Webb n’avait jamais faites, comme l’idée que le trafic de cocaïne faisait partie d’un complot gouvernemental visant à décimer intentionnellement la communauté afro-américaine.
Gary Webb et Bob étaient en contact étroit pendant ces journées. Bob lui a offert un soutien professionnel et personnel, après avoir passé son temps à subir les attaques de collègues journalistes et de rédacteurs en chef qui ont rejeté certaines histoires – aussi factuelles soient-elles – comme des théories du complot fantaisistes. Des articles sur le site web et la lettre d’information du Consortium, ainsi que sur I. F. Magazine, ont donné des détails sur le contexte historique de la série “Dark Alliance” et repoussé l’assaut de reportages hostiles et malhonnêtes des médias grand public.
Bob a également publié le livre Lost History, qui fournit des détails sur le contexte de la série ’Dark Alliance’, expliquant que, loin d’être une théorie de complot sans fondement, « les faits et les preuves étayent fortement la conclusion selon laquelle les administrations Reagan-Bush avaient collaboré avec des trafiquants de drogue pour financer leur guerre illégale contre le Nicaragua. »
Mais malheureusement, Gary Webb avait subit des dégâts. Avec sa vie professionnelle et personnelle en lambeaux à cause de son reportage courageux sur l’histoire de la contra-cocaïne, il s’est suicidé en 2004 à l’âge de 49 ans. Parlant plus tard de ce suicide, sur (la radio) Democracy Now, Bob a souligné combien il est douloureux d’être ridiculisé et injustement critiqué par ses collègues, comme son ami l’avait vécu.
« Il y a une douleur particulière lorsque vos collègues de travail vous tournent le dos, surtout quand vous avez fait quelque chose qu’ils devraient admirer et comprendre », a-t-il dit. « Faire tout ce travail pour voir le New York Times, le Washington Post et le Los Angeles Times vous attaquer et essayer de détruire votre vie, c’est quelque chose de particulièrement douloureux. »
En consultation avec sa famille, Bob et le conseil d’administration du Consortium for Independent Journalism ont lancé le Gary Webb Freedom of the Press Award en 2015.
La présidence désastreuse de George W. Bush
La présidence de George W. Bush a été surréaliste pour beaucoup d’entre nous, et particulièrement pour mon père.
En couvrant la politique de Washington pendant des décennies, Bob avait retracé de nombreuses histoires au père de ’Dubya’, George H. W. Bush, qui avait été impliqué dans une variété d’activités douteuses, dont le Mystère de la Surprise d’octobre et l’affaire Iran-Contra. Il avait également lancé en 1991 une guerre contre l’Irak qui semblait motivée, du moins en partie, à contribuer à combattre le ’syndrome vietnamien’, c’est-à-dire la réticence du peuple américain depuis la guerre du Vietnam à soutenir une action militaire à l’étranger.
Comme Bob l’indiquait dans son livre Fooling America de 1992, après que les forces américaines eurent mis en déroute l’armée irakienne en 1991, le premier commentaire public du président Bush sur cette victoire fut d’exprimer sa joie de voir enfin la fin du réflexe américain de ne pas engager de troupes dans des conflits lointains. « Dieu merci, nous en avons fini avec le syndrome du Vietnam, une bonne fois pour toutes » a-t-il exulté.
Le fait que le fils de Bush pouvait se présenter à la présidence en grande partie grâce à la reconnaissance de son nom a confirmé à Bob l’incapacité des médias grand public à couvrir correctement les sujets importants et la nécessité de continuer à construire une infrastructure médiatique indépendante. Cette conviction s’est consolidée grâce à la Campagne présidentielle de 2000 et au résultat final des élections, lorsque Bush a remporté la Maison-Blanche toute en perdant le vote populaire, une première depuis plus d’un siècle.
Malgré le fait que la Cour Suprême des États-Unis avait mis fin au dépouillement des votes en Floride, empêchant ainsi de déterminer le vainqueur légitime, la plupart des médias nationaux se sont désintéressés de l’histoire après que Bush eut prêté serment le 20 janvier 2001. Cependant, Consortiumnews.com a continué d’examiner le dossier et a finalement conclu qu’Al Gore aurait été déclaré vainqueur de cette élection si tous les bulletins légalement déposés avaient été comptés.
Chez Consortiumnews, il y avait une politique éditoriale non écrite selon laquelle le titre ’Président’ ne devait jamais précéder le nom de George W. Bush, étant donné que nous estimons qu’il n’avait pas été légitimement élu. Mais au-delà de ces décisions éditoriales, nous avons également compris la gravité du fait que si les élections de 2000 avaient pu se dérouler avec tous les votes comptés, de nombreuses catastrophes des années Bush – notamment la tragédie du 11 septembre 2001 et la guerre en Irak, ainsi que les décisions de se retirer des accords internationaux sur la maîtrise des armements et le changement climatique – auraient pu être évitées.
Comme tous ceux d’entre nous qui ont vécu l’après-11 septembre s’en souviendront, ce fut une période difficile, surtout si vous étiez quelqu’un qui critiquait George W. Bush. L’ambiance de cette période ne permettait pas beaucoup de dissension. Ceux qui se sont levés contre les instigateurs de la guerre – comme Phil Donahue à MSNBC, Chris Hedges au New York Times ou même les Dixie Chicks – ont vu leur carrière brisée et ont reçu des menaces de mort et des courriers haineux.
Bien que les projets de magazines et de bulletins d’information de Bob aient été abandonnés, le site Web continuait de publier des articles, offrant un lieu d’expression aux voix dissidentes qui s’interrogeaient sur le bien-fondé de l’invasion de l’Irak à la fin de 2002 et au début de 2003. À cette époque, l’ancien analyste de la CIA, Ray McGovern, et certains de ses collègues fondèrent les Veterans an Intelligence Professionals for Sanity et une relation de longue date avec Consortiumnews fut établie. Plusieurs anciens combattants du renseignement ont commencé à contribuer au site Web, motivés par le même esprit d’indépendance qui a poussé Bob à investir autant dans ce projet.
À une époque où la quasi-totalité des médias grand public étaient d’accord avec les arguments douteux de l’administration Bush en faveur de la guerre, ce site Web et quelques autres sites de même nature ont riposté avec des articles bien documentés remettant en question la raison d’être de ces guerres. Bien qu’on ait parfois eu l’impression de prêcher dans le désert, une grande vague d’opposition à la guerre se manifesta dans le pays, avec des marches historiques de centaines de milliers de personnes pour rejeter les pressions de Bush en faveur de la guerre.
Bien sûr, ces voix anti-guerre furent finalement justifiées par l’incapacité de trouver des armes de destruction massive en Irak et par le fait que la guerre et l’occupation se sont avérées une entreprise beaucoup plus coûteuse et mortelle que ce qu’on nous avait annoncé. Les assurances antérieures selon lesquelles ce serait une “simple ballade” se sont révélées aussi fausses que les prétendues armes de destruction massive. Mais comme si souvent le cas à Washington, les médias grand public, les groupes de réflexion ou les représentants du gouvernement n’ont guère eu, voire pas du tout, à répondre de leurs erreurs aussi spectaculaires.
Nous avons estimé qu’il était important de rappeler aux lecteurs – ainsi qu’aux futurs historiens – que certains d’entre nous connaissaient et rapportaient en temps réel les erreurs, qu’il s’agisse du retrait du Protocole de Kyoto, de l’invasion de l’Irak, de la mise en œuvre d’une politique de torture ou de la réaction à l’ouragan Katrina.
l’Ere Obama
Sous la présidence d’Obama, Consortiumnews. com est devenu le siège d’un nombre croissant d’auteurs qui apportent de nouvelles perspectives au contenu du site. Pendant des années, la rédaction était limitée principalement à Bob, Sam et moi, mais soudainement, Consortiumnews recevait des contributions de journalistes, de militants et d’anciens analystes du renseignement qui offraient un large éventail d’expertise – sur le droit international, l’économie, les droits de la personne, la politique étrangère, la sécurité nationale et même la religion et la philosophie.
L’un des thèmes récurrents des articles publiés sur le site Web pendant l’ère Obama a été l’effet durable des narratives non contestées, la façon dont elles ont façonné la politique nationale et dicté la politique gouvernementale. Bob a fait remarquer que même un président supposé être de gauche comme Obama semblait attaché aux faux récits et aux mythologies nationales remontant à l’époque Reagan. Il a souligné que cela pourrait être attribué, du moins en partie, à l’incapacité de fonder une base solide pour un journalisme indépendant.
Dans un article de 2010 intitulé « Obama’s Fear of the Reagan Narrative », Bob a noté que M. Obama avait défendu son accord avec les Républicains sur des réductions d’impôt pour les riches parce que le message de M. Reagan avait eu un effet très fort et persistant depuis 30 ans. Il se sentait menotté par la capacité de la droite à rallier les Américains au nom du message de Reagan « c’est le gouvernement qui est le problème » », écrivit Bob.
Il a retracé les plaintes d’Obama sur son impuissance face à cette dynamique à la réticence des progressistes américains à investir suffisamment dans les médias et les groupes de réflexion, comme les conservateurs le faisaient depuis des décennies dans leur « guerre des idées ». Comme il le faisait valoir depuis le début des années 1990, Robert a insisté sur le fait que les limites qui avaient été imposées à Obama – qu’elles soient réelles ou perçues – continuaient de démontrer le pouvoir de la propagande et la nécessité d’investir davantage dans les médias alternatifs.
Il a également fait observer qu’une grande partie de la folie entourant le soi-disant mouvement du Tea Party résultait de malentendus fondamentaux sur l’histoire américaine et les principes constitutionnels. “Les Démocrates et les progressistes ne devraient pas se faire d’illusions sur le nouveau flot “d’ignorance assumée” qui est sur le point de déferler sur les États-Unis sous couvert d’un retour aux « principes fondamentaux » et d’un profond respect de la Constitution”, a averti Bob.
Il a souligné qu’en dépit du respect que les membres du Tea Party affichaient pour la Constitution, ils n’avaient en fait que très peu de compréhension du texte, comme le révèlent leurs affirmations selon lesquelles les impôts fédéraux seraient inconstitutionnels. En fait, comme l’a fait remarquer Bob, la Constitution représentait « une prise de pouvoir majeure par le gouvernement fédéral, comparativement aux articles de la Confédération, qui n’avaient pas d’autorité fiscale fédérale ou autres pouvoirs nationaux. »
Motivé par le désir de corriger des récits historiques falsifiés couvrant plus de deux siècles, Bob a publié son sixième et dernier livre, Stolen Narrative : From Washington and Madison to Nixon, Reagan and the Bushes to Obama, en 2012.
En plus des revenus provenant de la vente de livres, les dons croissants des lecteurs ont permis à Bob non seulement de payer les auteurs, mais aussi d’embaucher une adjointe, Chelsea Gilmour, qui a commencé à travailler pour Consortiumnews en 2014. En plus de fournir un soutien administratif inestimable, Chelsea s’est également acquittée de tâches telles que la recherche, la rédaction et la vérification des faits.
Le réalignement politique et le nouveau maccarthysme
Bien qu’au début de l’ère Obama – et d’ailleurs depuis les années 1980 – le nom de Robert Parry ait été étroitement associé à la dénonciation des actes répréhensibles commis par les Républicains, et qu’il ait donc été fortement suivi par les partisans du Parti Démocrate, à la fin de la présidence d’Obama, il semblait y avoir un réalignement chez certains lecteurs de Consortiumnews.com, ce qui reflétait l’évolution plus générale de la politique du pays.
En particulier, l’approche des médias US envers la Russie et les questions connexes, comme l’éviction violente en 2014 du président ukrainien Viktor Ianoukovitch, est devenue « de la propagande à peu près à 100% », a déclaré Bob.
Il a noté que l’histoire complète n’a jamais été racontée lorsqu’il s’agissait de questions telles que l’affaire Sergei Magnitsky, qui a conduit à la première série de sanctions américaines contre la Russie, ni les faits troublants liés aux manifestations d’Euromaidan qui ont conduit à l’éviction de Ianoukovitch – dont l’existence d’une forte influence néonazie dans ces manifestations – ni le conflit qui a suivi dans la région de Donbass en Ukraine.
Les articles de Bob sur l’Ukraine ont été largement cités et diffusés, et il est devenu une voix importante dans la présentation d’un tableau plus complète du conflit qu’il n’était possible d’obtenir en lisant et en regardant uniquement les grands média. Bob a été mis en vedette dans le documentaire 2016 d’Oliver Stone,’Ukraine on Fire’, où il a expliqué comment les ONG politiques et les entreprises médiatiques financées par les États-Unis ont travaillé avec la CIA et la direction de la politique étrangère des Etats-Unis depuis les années 1980 pour promouvoir l’agenda géopolitique américain.
Bob regrettait que, de plus en plus, « le peuple américain et l’Occident en général soient soigneusement protégés de « l’autre version de l’histoire » ». En effet, il a dit que le fait même de suggérer qu’il pourrait y avoir un autre version de l’histoire étaient suffisant pour faire passer quelqu’un pour un apologiste de Vladimir Poutine ou un ’pion du Kremlin ’.
Ceci a culminé à la fin de l’année 2016 avec la mise sur liste noire de Consortiumnews par un site web douteux appelé ’PropOrNot’, qui prétendait servir de chien de garde contre une ’influence russe’ aux Etats-Unis. La liste noire de PropOrNot, dont Consortiumnews et environ 200 autres sites Web considérés comme de la ’propagande russe’, a été élevée par le Washington Post au rang de source fiable, malgré le fait que les néo-McCarthyens qui ont publié la liste se cachent derrière le masque de l’anonymat. [DECODEX, quelqu’un ? – NdT]
L’article de Craig Timberg paru dans The Post, écrivait Bob le 27 novembre 2016, décrivait PropOrNot simplement comme « une collection non partisane de chercheurs ayant des antécédents en matière de politique étrangère, de politique militaire et de technologie [qui] prévoyaient de publier leurs propres résultats vendredi, démontrant ainsi la portée et l’efficacité étonnantes des campagnes de propagande russes ».
Le Post a même fourni une citation non attribuée du responsable du site web. « La façon dont cet appareil de propagande soutenait [Donald] Trump équivalait à un achat massif d’espace médiatique », a déclaré le diffamateur anonyme. Le Post prétendait que le “directeur exécutif’ de PropOrNot s’était exprimé sous condition d’anonymat « pour éviter d’être pris pour cible par les légions de pirates informatiques russes”.
Pour être clair, ni Consortiumnews ni Robert Parry n’ont jamais ’soutenu Trump’, comme le prétend la citation anonyme ci-dessus. Cependant, quelque chose d’intéressant semble toutefois se produire en ce qui concerne le lectorat de Consortiumnews dans les premiers jours de la présidence Trump, comme on pourrait le constater à la lecture de certains des commentaires laissés sur les articles et l’activité des médias sociaux.
Pendant un certain temps, il est apparu qu’un bon nombre au moins de partisans de Trump lisaient Consortiumnews, ce qui pourrait probablement être attribué au fait que le site Web était l’un des rares sites à repousser à la fois la ’Nouvelle Guerre Froide’ avec la Russie et l’histoire connexe de ’Russiagate’, que Bob n’aimait même pas qualifier de ’scandale’. (En tant que rédacteur en chef, il préférait utiliser le mot ’controverse’ sur le site Web, car en ce qui le concernait, les allégations contre Trump et sa prétendue ’collusion’ avec la Russie n’atteignaient pas le niveau des scandales tels que Watergate ou Iran-Contra.)
À son avis, la haine, peut-être compréhensible, envers Trump ressentie par de nombreux Américains – tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des classes dirigeantes – a abouti à l’abandon de règles journalistiques désuètes et de normes d’équité qui devraient être appliquées même à quelqu’un comme Donald Trump.
« Sur une note personnelle, j’ai dû faire face à de sévères critiques, même de la part d’amis de longue date, pour avoir refusé de m’enrôler dans la résistance anti-Trump », écrivit Bob dans son ultime article pour Consortiumnews.
« L’argument était que Trump était une menace si grande pour l’Amérique et le monde que je devais m’y enrôler pour trouver une justification à son départ », a-t-il dit. « Certaines personnes ont vu mon insistance à appliquer les mêmes règles journalistiques que j’ai toujours utilisées comme une trahison. »
Il s’étonnait de constater que même les rédacteurs en chef des principaux médias ont traité les allégations non prouvées contre les Russes comme un fait établi.
« Aucun doute n’était toléré et le fait de mentionner le parti pris évident chez les anti-Trump au sein du FBI, du Ministère de la Justice et de la communauté du renseignement fut décrié comme une attaque contre l’intégrité des institutions du gouvernement américain », a écrit Bob. « Les « progressistes » Anti-Trump se posaient en véritables patriotes parce qu’ils acceptaient sans sans broncher les affirmations sans preuves des services de renseignement et de police américains. »
Une fin prématurée et l’avenir de Consortiumnews
Le décès prématuré de mon père nous a tous choqué, d’autant qu’il y a un mois encore, rien n’indiquait qu’il était malade. Il prenait bien soin de lui, ne fumait jamais, pas de cigarette, passait régulièrement des examens médicaux, faisait de l’exercice et mangeait bien. Les problèmes de santé inattendus qui ont débuté avec un léger accident vasculaire cérébral la veille de Noël et qui ont culminé avec son admission dans un centre de soins palliatifs il y a quelques jours rappellent sans équivoque qu’il ne faut rien prendre pour acquis.
Et comme de nombreux lecteurs de Consortiumnews l’ont souligné avec éloquence dans les commentaires laissés sur des articles récents concernant la santé de Bob, cela nous rappelle également que son style journalistique est devenu plus que jamais nécessaire.
« Nous avons besoin de penseurs libres comme vous qui chérissent la vérité fondée sur des preuves et regardent au-delà de la pensée du groupe à Washington, pour enquêter sur les vraies raisons des actions de notre gouvernement et de nos médias qui tentent de nous tromper », a écrit, par exemple, FreeThinker.
« Le bon sens et l’intégrité sont les maîtres mots du journalisme de Robert Parry. J’espère que tu iras mieux bientôt car on a besoin de toi plus que jamais », écrivait T. J.
« Nous avons besoin d’une nouvelle génération de journalistes, d’auteurs, d’écrivains et de gens tenaces pour s’accrocher à une histoire », a ajouté Tina.
En tant que personne impliquée dans ce site Web depuis sa création – en tant qu’auteur, rédacteur et lecteur – je partage ces sentiments. Les lecteurs devraient être assurés qu’en dépit du décès de mon père, tous les efforts seront déployés pour assurer du site.
En effet, je pense que tous ceux qui sont impliqués dans ce projet veulent maintenir le même engagement à dire la vérité, sans crainte ni favoritisme, qui a inspiré Bob et ses héros comme George Seldes, I. F. Stone et Thomas Paine.
Cet engagement peut être constaté dans les enquêtes de mon père comme celles mentionnées ci-dessus, mais aussi dans tant d’autres – dont ses enquêtes sur la relation financière de l’influent Washington Times avec la secte du révérend Sun Myung Moon de l’Eglise de Réunification, la vérité derrière les prétendues tentatives de la campagne de Nixon pour saboter les pourparlers de paix du président Lyndon Johnson à Paris avec les dirigeants vietnamiens en 1968, la réalité de l’attaque chimique en Syrie en 2013, (…)
En examinant ces accomplissements journalistiques, il devient évident qu’il y a peu d’histoires qui ont échappé à l’attention de Consortiumnews. com, et que les archives de l’histoire sont beaucoup plus complets grâce à ce site Web et au travail journalistique « à l’ancienne » de Bob,
Mais au-delà de cet engagement profond en faveur du journalisme indépendant, il faut aussi rappeler qu’en fin de compte, Bob était motivé par le souci de l’avenir de la vie sur Terre. Ayant grandi au plus fort de la guerre froide, il comprenait les dangers d’une spirale de tensions et d’hystérie, surtout dans un monde comme le nôtre où les armes nucléaires suffisent à anéantir toute vie sur la planète.
Alors que les États-Unis poursuivent sur la voie d’une nouvelle guerre froide, mon père serait heureux de savoir qu’il a des contributeurs aussi engagés qui permettront au site de demeurer le foyer indispensable du journalisme indépendant qu’il est devenu, et de continuer à débusquer les fausses narratives qui menacent notre existence même.
Merci à tous pour votre soutien.
Nat Parry
Au lieu de fleurs, la famille de Bob vous demande d’envisager de faire un don au Consortium for Independent Journalism.
Traduction “Une dernière trad’ pour la route. Merci pour tout” par VD pour le Grand Soir avec probablement quelques fautes et coquilles de plus que d’habitude.
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