Sur notre difficulté à nous adapter aux réalités climatiques.
Ce matin, une collègue enseignante-chercheuse expliquait qu’elle devrait, en pleine vague de chaleur, siéger à un jury de thèse « dans une faculté sans clim[atisation], sans ouverture possible des salles la nuit et, cerise sur le gâteau, en toge ».
Il y a donc des gens qui, pour pouvoir poursuivre l’exercice d’une tradition, sont prêts à faire courir à des personnels le risque, au mieux, d’un fort inconfort.
Il y a quelques années, pendant les vagues de COVID, un organisme me convia à des entretiens à Paris. L’intention était certes louable, il s’agissait de parler de bien-être au travail.
Il y a quelques années, pendant les vagues de COVID, un organisme me convia à des entretiens à Paris. L’intention était certes louable, il s’agissait de parler de bien-être au travail.
Pourtant, je refusai d’y aller. Il me paraissait assez peu raisonnable, alors qu’on annonçait une reprise rapide des contaminations, de prendre un train pour m’enfermer dans des salles de réunions avec des gens venus d’un peu partout en France, histoire de bien brasser les virus.
Cela me donna à penser : Pourquoi un organisme, qui plus est scientifique, voulait-il à toute force organiser un tel évènement, en écartant explicitement la possibilité de visioconférence ?
L’explication qui me vint à l’esprit est que les individus, mais aussi les structures, sont attachées au business as usual.
L’explication qui me vint à l’esprit est que les individus, mais aussi les structures, sont attachées au business as usual.
Cet évènement automnal était probablement prévu de longue date.
Pendant l’été, les dirigeants de l’organisme avaient voulu faire revenir à un fonctionnement normal, sans le télétravail massif auquel il avait fallu avoir recours.
Ceci avait sans doute empêché les services de suivre l’actualité et de se rendre compte que leurs rencontres soit ne pourraient pas se tenir, soient le pourraient mais présenteraient un risque pour les personnels impliqués. Bref, les services démontraient une incapacité à prendre en compte les nouvelles conditions matérielles.
Ce matin, une collègue enseignante-chercheuse expliquait qu’elle devrait, en pleine vague de chaleur, siéger à un jury de thèse « dans une faculté sans clim[atisation], sans ouverture possible des salles la nuit et, cerise sur le gâteau, en toge puisqu'il s'agit d'une soutenance en droit » ; qui plus est, on lui avait indiqué qu’il ne serait pas possible de ne mettre la toge que pour la déclaration finale post-délibération.
Ce matin, une collègue enseignante-chercheuse expliquait qu’elle devrait, en pleine vague de chaleur, siéger à un jury de thèse « dans une faculté sans clim[atisation], sans ouverture possible des salles la nuit et, cerise sur le gâteau, en toge puisqu'il s'agit d'une soutenance en droit » ; qui plus est, on lui avait indiqué qu’il ne serait pas possible de ne mettre la toge que pour la déclaration finale post-délibération.
Il y a donc des gens qui, pour pouvoir poursuivre l’exercice d’une tradition, sont prêts à faire courir à des personnels le risque au mieux d’un fort inconfort (d’ailleurs probablement néfaste à la qualité des débats), au pire d’un malaise voire d’un accident du travail.
Cette péripétie juridique m’a évoqué un incident avec un banquier. Celui-ci, dont le bureau était situé derrière des baies vitrées, s’était excusé de me recevoir en chemise, sans veste, celle-ci étant sans doute réglementaire pour recevoir les clients.
Cette péripétie juridique m’a évoqué un incident avec un banquier. Celui-ci, dont le bureau était situé derrière des baies vitrées, s’était excusé de me recevoir en chemise, sans veste, celle-ci étant sans doute réglementaire pour recevoir les clients.
Ce pauvre homme suait à grosses gouttes.
De même que le port de toges n’apporte rien à la qualité des questions d’un jury de thèse, la veste n’apporte rien à la qualité du conseil qu’un banquier peut apporter.
Il s’agit uniquement d’un décorum, et qui d’ailleurs, même en tant que décorum était inadapté : on voit mal quelle dignité et sérieux supplémentaire on accorderait à des gens suant et poissant.
Mais, après tout, on s’habitue à ce que des militaires s’évanouissent lors de parades ou de répétitions en pleine chaleur…
Ces anecdotes illustrent un trait bien plus sérieux et préoccupant : notre société peine à prendre en compte les nouvelles réalités climatiques et épidémiques.
Ces anecdotes illustrent un trait bien plus sérieux et préoccupant : notre société peine à prendre en compte les nouvelles réalités climatiques et épidémiques.
Nous continuons d’organiser des examens scolaires, voire des épreuves sportives, par des temps caniculaires, car nous avions l’habitude de les organiser à la même période il y a cinquante ans.
Nous continuons de considérer le rafraîchissement des locaux comme un luxe, un gaspillage d’énergie, tandis qu’il ne viendrait à l’esprit de personne de qualifier ainsi le chauffage en hiver (je lis ainsi que certains logements sociaux sont dotés de chauffages par pompe à chaleur dont on a volontairement bloqué la fonctionnalité de rafraîchissement !).
J’ignore même si nous avons cessé de construire ces bâtiments de bureau en verre qui font se rengorger les architectes, mais qui se transforment en fours pour les employés en été…
Les discussions autour des projets d’infrastructures relèvent des mêmes schémas.
Les discussions autour des projets d’infrastructures relèvent des mêmes schémas.
À Notre-Dame-des-Landes, on a voulu construire un aéroport selon un projet vieux de cinquantaine ans et tablant sur la prolongation de la hausse du trafic aérien.
Or, l’aviation commerciale devra être très largement réduite, d’une part en raison de la raréfaction du pétrole, d’autre part en raison de la nécessité de réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre, les carburants dits soutenables ne pouvant couvrir qu’une faible fraction des consommations actuelles. On pourrait également évoquer l’urbanisation du Plateau de Saclay, projet datant du Général de Gaulle et dont la pertinence n’est pas claire dans un monde où l’on parle de limiter la taille des villes et la distance des approvisionnements en nourriture afin de limiter les besoins en carburants pour les transports de marchandises.
Collectivement, nous peinons à prendre en compte ne serait-ce que l’état actuel de notre monde. Nous persistons à vouloir poursuivre des modes d’organisation, des objectifs d’il y a trente ou cinquante ans. Si nous n’arrivons même pas à tirer les conséquences de ce que nous constatons dans notre quotidien, a fortiori nous ne sommes pas armés, dans notre façon d’aborder les sujets et de prendre nos décisions, pour envisager le monde dans trente ou cinquante ans.
Collectivement, nous peinons à prendre en compte ne serait-ce que l’état actuel de notre monde. Nous persistons à vouloir poursuivre des modes d’organisation, des objectifs d’il y a trente ou cinquante ans. Si nous n’arrivons même pas à tirer les conséquences de ce que nous constatons dans notre quotidien, a fortiori nous ne sommes pas armés, dans notre façon d’aborder les sujets et de prendre nos décisions, pour envisager le monde dans trente ou cinquante ans.
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