Fnideq : Quand le désespoir de la jeunesse explose.


Fnideq : Quand le désespoir de la jeunesse explose.
 

Des migrants tentent de franchir la frontière dans le nord du Maroc, le 15 septembre 2024. © AFP


Publié le 18/09/2024

Le week-end dernier, la ville côtière de Fnideq a été le théâtre d’affrontements violents entre des centaines de jeunes Marocains et les forces de l’ordre. 
Ces tensions surviennent dans un contexte de désespoir social et économique, exacerbées par une campagne virale sur les réseaux sociaux, incitant à une migration massive et irrégulière vers les présides occupés de Sebta et Melilia.

Ce qui s’est passé ces derniers jours à Fnideq illustre l’ampleur du désespoir chez une grande partie de la jeunesse marocaine, ainsi que l’incapacité des autorités à offrir des alternatives viables à ces jeunes en quête d’un avenir meilleur. Résultat : des jeunes cherchant à tout prix à passer de l’autre côté de la frontière, peu importe le coût, quitte à risquer leur vie.

Ce qui s’est passé ces derniers jours à Fnideq illustre l’ampleur du désespoir chez une grande partie de la jeunesse marocaine, ainsi que l’incapacité des autorités à offrir des alternatives viables à ces jeunes en quête d’un avenir meilleur. Résultat : des jeunes cherchant à tout prix à passer de l’autre côté de la frontière, peu importe le coût, quitte à risquer leur vie.

Une tentative massive et une mobilisation inédite

Tout a commencé par une vague d’appels lancée sur les réseaux sociaux, incitant à une tentative massive de migration irrégulière vers les présides occupés de Sebta et Melilia. Très vite, ces appels ont trouvé écho chez les jeunes Marocains, y compris des mineurs. Ces derniers ont répondu à l’appel du 15 septembre pour tenter de rejoindre Sebta et Melilia, dans l’espoir de trouver une nouvelle vie et un avenir meilleur.

Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que de tels événements se produisent dans cette région. Depuis plusieurs années, les tentatives de passage vers Sebta et Melilia se multiplient. Des jeunes prennent d’immenses risques pour atteindre les côtes européennes. Certains optent pour la voie terrestre, en escaladant les hautes barrières qui séparent les enclaves du Maroc. D’autres choisissent des traversées maritimes souvent périlleuses, parfois à la nage ou à bord d’embarcations de fortune. La réalité est sombre : nombreux sont ceux qui échouent, et plusieurs ont déjà perdu la vie dans ces tentatives désespérées.

Mais cette fois-ci, l’opération était d’une ampleur inédite. Puisque la date de l’opération était connue, les forces de l’ordre étaient déjà mobilisées, et la presse était sur place. Conséquence : tout a été filmé et diffusé. Dans les vidéos partagées le week-end dernier, on peut voir des arrestations et des affrontements violents. Les forces de l’ordre, déployées en grand nombre, ont dû faire face à des jets de pierres et à des actes de vandalisme. Des véhicules ont été attaqués, et les rues de la ville ont été le théâtre d’émeutes. Certaines vidéos montrent aussi des groupes de jeunes tentant de se disperser dans les ruelles, cherchant à échapper aux barrages policiers pour rejoindre la frontière. Pendant ce temps, les policiers tentaient de les intercepter pour les renvoyer en autocar vers leurs villes d’origine.

À l’heure où nous écrivons ces lignes, aucun chiffre officiel sur le nombre d’arrestations n’a encore été révélé par les autorités. 
Les médias locaux rapportent cependant que plusieurs centaines de jeunes auraient été appréhendés, sans qu’un bilan précis ne soit communiqué.
Mais qui sont ces jeunes ?

Ces jeunes sont le visage d’une génération en quête d’espoir. Parmi eux, des mineurs, mais aussi de jeunes adultes. Tous appartiennent à la catégorie dite des « NEET« , c’est-à-dire sans emploi, ni éducation, ni formation. Ils sont au nombre de 4,3 millions de Marocains, dont 1,5 million pour la seule catégorie d’âge comprise entre 15 et 24 ans, selon le Conseil économique, social et environnemental (CESE). 
Leur quotidien est marqué par l’ennui et le désespoir, un sentiment profond d’injustice sociale. Ils n’ont qu’un seul objectif : fuir un pays où ils estiment que leurs droits fondamentaux, comme l’accès à l’éducation, au travail et à la santé, leur sont refusés.

Issus de familles défavorisées, ces jeunes viennent de toutes les régions du Maroc, rassemblés par un même rêve : Traverser vers l’autre côté pour tenter de construire une vie meilleure. 
Dans leurs témoignages recueillis par les médias sur place, ils expriment leur désillusion. 
Le chômage, l’absence de diplômes et de formations les enferment dans un cercle vicieux de pauvreté, les condamnant à errer sans but. Leurs visages, empreints de tristesse, reflètent d’ailleurs un profond mal-être.

La phrase qui revient le plus souvent dans leurs déclarations est simple, mais lourde de sens : «On n’a rien à faire dans ce pays».
Pour eux, l’avenir est sombre, et le manque de perspectives alimente un sentiment de révolte silencieuse. Ils se sentent abandonnés par un système qui, selon eux, ne leur offre aucune chance de se construire un avenir digne. C’est donc cette profonde frustration qui les pousse à risquer leur vie pour fuir.


Le gouvernement Akhannouch dans la tourmente.

Alors que les Marocains attendaient une réaction officielle pour comprendre ce qui s’est passé à Fnideq, le gouvernement Akhannouch a choisi de garder le silence. Un silence d’autant plus frappant qu’aucune déclaration n’a été faite pour apaiser les tensions ou reconnaître l’ampleur de la crise que traverse cette jeunesse.

Pendant que les forces de sécurité étaient en première ligne pour contenir les tentatives de migration irrégulière, le chef du gouvernement, lui, semblait déconnecté de la réalité : il était à Agadir pour se féliciter de son bilan lors de la 5ᵉ édition de l’Université de la jeunesse du Rassemblement national des indépendants (RNI). Il s’est contenté d’un discours d’autosatisfaction, évitant soigneusement tout commentaire sur la situation à Fnideq.

Sur les réseaux sociaux, beaucoup se sont interrogés sur les priorités du gouvernement, accentuant un sentiment de déconnexion entre les élites politiques et la réalité de la population. Cette indifférence apparente a alimenté une vague d’indignation en ligne. 
Certains ont même ironisé sur l’idée que le gouvernement aurait, lui aussi, profité d’un week-end prolongé à l’occasion de Aïd Al Mawlid.
Un fiasco total.

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